• Mémoire présenté à l’occasion de la consultation publique du 9 décembre 1993 sur le projet de règlement relatif aux plans d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) pour les bâtiments et zones patrimoniaux.

     

    Par Yvan-M. Roy

     

    Après avoir pris connaissance du projet de règlement adopté le 15 novembre dernier, je suis en mesure d’affirmer que premièrement, il s’agit d’une disposition très contraignante pour les citoyens, deuxièmement, le projet de règlement répond partiellement aux objectifs visés, troisièmement, l’objet caché du règlement est de justifier la démolition du Monastère du Précieux-Sang.

     

    Les objets avoués du projet de règlement consistent à faire en sorte que les bâtiments « assujettis »demeurent des éléments forts et exceptionnels du patrimoine lévisien et à préserver des zones qui caractérisent Lévis de par l’architecture des bâtiments, le paysage urbain ou les éléments historiques du patrimoine municipal. Le Monastère du Précieux-Sang est exclu du périmètre désigné, de même que plusieurs autres bâtiments hautement significatifs.

     

    1. Un règlement très contraignant pour les citoyens

     

    Le 7 octobre 1992, à l’occasion d’un précédent mémoire, j’ai eu l’occasion de préciser que Lévis avait adopté une règle d’application stricte pour préserver le caractère du Vieux-Lévis.[1] Le projet de règlement adopté le 20 novembre dernier pour créer des plans d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) dans la haute-ville de Lévis vient confirmer mes affirmations.

     

    En effet, le projet de règlement touche 35 zones différentes et plusieurs centaines de petits, moyens et grands propriétaires.  

     

    [ p. 1]

     

    Pour assurer la préservation et l’amélioration du cachet ancien et authentique des bâtiments et ensembles architecturaux, la ville met en place des mesures de contrôle sur les bâtiments d’intérêt patrimonial, « assujettis » ou non, sur les bâtiments modernes, et sur l’implantation et l’intégration des nouveaux bâtiments. Il s’agit principalement «  de maintenir les caractéristiques dominantes du paysage urbain de ces zones ».[2]

     

    Les toitures, le revêtement des murs, les portes et fenêtres, les éléments en saillie et les ornements, les ajouts, les couleurs, les façades, les enseignes, les auvents, l’éclairage extérieur, les travaux paysagers seront soumis à la discrétion d’un comité public.

     

    Un des côtés les plus positifs du règlement, c’est que la contrainte historique s’applique intégralement à toutes les zones. Il ne s’agit pas de zonage parcellaire (spot zoning), contrairement à ce qui s’est produit dans le secteur de la Traverse. J’aurai l’occasion de revenir sur ce point.

     

    La contrainte est accompagnée de sanctions contre les contrevenants. Ces sanctions peuvent aller jusqu’à 1 000 $ pour un individu et 2 000 $ pour une société incorporée. En cas de récidive, l’amende maximale est doublée.

     

    2. Un règlement justifié

     

    En toute objectivité, je considère que le projet de règlement, s’il est adopté sans modifications, sera difficile d’application. Le règlement pose de grandes limites à la liberté individuelle. Par ailleurs, considérant que depuis plus d’un siècle, un nombre appréciable d’auteurs nationaux et étrangers se sont prononcés sur le caractère historique de Lévis, et que des études et inventaires récents ont identifié un grand nombre de bâtiments remarquables, le règlement m’est apparu justifié, du moins pour les 35 zones spécifiées. Ma réserve est que les zones ont été retenues de manière arbitraire.

     

    Le règlement est très contraignant parce que le caractère historique de Lévis est très grand.

     

    [ p. 2]

     

    3. Un règlement tardif

     

    Personnellement, j’estime que le projet de règlement est tardif. Il s’agit d’une mesure qui aurait dû être adoptée vers 1950, l’année où a débuté le vandalisme dans la ville de Lévis par la destruction du Bureau de poste à la Traverse. Avec un tel règlement, l’ancienne administration de la Ville n’aurait pas si facilement obtenu la démolition de l’ancien Hôtel de Ville de la rue Déziel et de l’ancien Poste de police de la rue Saint-Georges.

                         

    [ p. 1]

     

    4. Un règlement incomplet

     

    Le règlement m’et apparu incomplet parce qu’il n’assure pas les caractèristiques dominantes du paysage urbain dans son ensemble.

     

    Le périmètre visé occupe tout le plateau qui surplombe la falaise à partir de la Terrasse jusqu’à la rue J.-K. Laflamme. Tant du point de vue historique que paysager, le principal élément fort de Lévis est la falaise. En 1759, Québec fut détruit à partir de la falaise de Lévis. Cette falaise est directement devant le Château Frontenac. Le règlement n’assure d’aucune manière la protection de la falaise. À Lévis, la falaise varie en élévation de 80 à 130 pieds. En face, la falaise de Québec a 200 pieds (Terrasse Dufferin).

     

    Au pied de la falaise, Lévis a fait du zonage parcellaire dans le secteur de la Traverse. À l’est et à l’ouest, la réglementation actuelle permet la construction de bâtiments hauts de 17 mètres, soit une norme légèrement supérieure à celle du Vieux-Port de Québec. C’est à la Traverse que la ville a construit en 1864 son premier hôtel de ville, qui sert actuellement de gare intermodale.

     

    Je tiens donc à répéter le même avertissement que j’ai formulé devant ce même conseil le 7 octobre 1992 :

     

    « Je prévois donc que sous une perspective obtenue à partir du Vieux-Port de Québec, la falaise de Lévis sera masquée de 66% à 100% sur une distance de 300 mètres entre le Chantier Maritime A.C. Davie et la Côte Bégin ».[3]

     

    5. La règle de deux poids, deux mesures

     

    À l’occasion de la consultation sur les règlements d’urbanisme le 7 octobre 1992, j’ai indiqué que la ville de Lévis suivait une règle fondamentalement injuste et immorale en obligeant les petits propriétaires de la haute-ville à respecter le caractère patrimonial de leur secteur, et en n’imposant pas une règle identique pour les propriétaires du secteur de la Traverse, notamment pour les zones contigües à l’historique chantier maritime A.C. Davie.[4]

     

    [ p. 3]

     

    Pour le contenu minimal d’un PIIA à la haute-ville, le règlement oblige « une vue en isométrie ou en perspective du bâtiment projeté » afin d’assurer l’intégration avec les autres bâtiments de la zone. Comme à la haute-ville, il y a à la Traverse des bâtiments patrimoniaux dans la majorité des zones, il y a une uniformité dans l’application, et il y a également réciprocité dans les obligations d’une zone à l’autre.

     

    À la Traverse, la zone Pa 59-44 (Chantier maritime A.C. Davie ) est probablement la zone la plus significative au point de vue historique dans la ville de Lévis. La ville vient d’acquérir au coût de 1 050 000 $ l’historique chantier Davie avec de fortes subventions canadiennes et québécoises.

     

    Comment expliquer que la ville de Lévis n’a pas imposé aux autres zones voisines, notamment la zone Hd 59-65 (Côte Bégin- J.-L. Demers) la réalisation d’une vue en isométrie ou en perspective des bâtiments projetés pour assurer le respect de la falaise et des bâtiments projetés pour assurer le respect de la falaise et des bâtiments de la zone Pa 59-44. La réglementation actuelle permet la construction de 50 logements et plus à l’hectare dans la zone Hd 59-65. L’effet de la réglementation dans cette zone est de permettre la construction de trois unités de 50 logements sur 6 étages.

     

    Quelle sera la valeur patrimoniale du Chantier A.C. Davie quand le potentiel immobilier des zones contigües aura été exploité suivant les libéralités de la réglementation actuelle? À mon avis, le potentiel sera très réduit. La réglementation manque de cohérence.

     

    Je suis d’avis que les investissements du gouvernement du Canada ( 300 000 $) et ceux du Québec (600 000 $) visaient d’abord autre chose que la mise en valeur du Chantier A.C. Davie.

     

    [ p. 4

     

     

    Le secteur de la Traverse est la partie nord de l’historique quartier Lauzon, quartier dont la partie sud couronne la falaise de Lévis. Il y a l’application de la règle de deux poids, deux mesures, concernant la mise en valeur du quartier Lauzon. Dans ce quartier historique, les propriétaires d’en haut ne sont pas soumis aux mêmes obligations que les propriétaires d’en bas. Je considère l’actuel projet de règlement cet égard comme injuste et immoral relativement aux autres règlements qui ont été adoptés pour le secteur de la Traverse.

     

    6. Des oublis majeurs et le véritable objet

     

    Je ne saurais terminer mes commentaires sans mentionner que le règlement aurait dû élargir le périmètre d’application pour inclure le Monastère du Précieux-Sang, le Manège militaire, et la maison Carrier-Couture (rue Plante).[5] Concernant les deux premiers bâtiments, il est vrai qu’il s’agit de constructions du XXe siècle, mais lorsqu’il s’agit de la plus ancienne maison de Lévis et qu’elle se trouve à 50 mètres au sud à l’extérieur du périmètre, il y a de quoi s’interroger sur le véritable objet du règlement. Je suis d’avis que le périmètre a été retenu après une dissection arbitraire et aveugle.

     

     Le règlement aurait-il pour véritable objet de justifier la démolition du Monastère du Précieux-Sang ? Les faits me portent è répondre positivement à cette question.

     

    Les membres du Comité consultatif d’urbanisme et ceux du Comité « ad hoc » sur le patrimoine portent une lourde responsabilité face à la conservation du patrimoine lévisien. La démolition du Monastère du Précieux-Sang pourra éventuellement leur être imputée.

     

    Les Américains ont transporté pierre par pierre des monastères achetés en Europe. Pourquoi ne pas conserver intact celui que nous avons ici à Lévis ?

     

    [ p. 5]

     

     

     

     

     



    [1] Mémoire sur les projets de règlements d’urbanisme de la ville de Lévis, Yvan-M. Roy, 7 octobre 1992. ‘’Lévis a choisi d’utiliser une règle d’application stricte pour préserver le caractère du Vieux-Lauzon et celui du Vieux-Lévis, deux secteurs près des églises Saint-Joseph et Notre-Dame. J’ai identifié cette mesure comme étant une règle « Macdonald patrimoniale ».  Lévis force par l’effet de la loi douze cents petits propriétaires à respecter le caractère patrimonial de leur qiuartier. P. 26

    [2] Projet de règlement, p. 23

    [3] Voir Note 1 (Mémoire sur les projets….) p. 12. Il est important de préciser que l’élévation des terrains en bordure de la rue à la Côte Bégin débute au niveau de 7 mètres.

    [4] Voir Note 1 (Mémoire sur les projets….), p. 26. « Lévis a choisi d’utiliser une règle d’appliction très libérale pour guider l’aménagement des secteurs patrimoniaux de la Traverse et de la Pointe-de-la-Martinière. J’ai identifié cette mesure comme étant une règle « Macdonald impériale ». Lévis consent à ce qu’un ou deux gros promoteurs échappent à l’obligation de respecter la caractère patrimonial des lieux. Lévis adopte la règle de deux poids, deux mesures, ce qui à mon avis est fondamentalement injuste et immoral. Le site A.C. Davie d’un potentiel exceptionnel sera écrasé par « un balconville sur Saint-Laurent ».

    [5] Léon Roy pose la question suivante dans Les premiers colons de la ive-Sud du Saint-Laurent : N’est-ce pas Ignace Carrier qui avait construit la première partie en pierre de cette plus vielle maison de Lévis. (p.99)  (Ignace Carrier, né en 1727, décédé le 2 septembre 1759 pendant le siège de Québec, enterré dans l’église de Lauzon le 11 décembre suivant.

     

    La tradition orale dans notre famille est que le Colonel Benedict Arnold qui commandait l’expédition des troupes du Congrès fut hébergé par Ignace Couture et Véronique Carrier dans cette maison en novembre 1775. Cette information trouve confirmation dans le rapport des commissaires Baby, Taschereau et Williams de 1775 où il est écrit qu’au début de novembre 1775, Ignace Couture fut délégué en Beauce par l’assemblée de Pointe Lévy pour presser les Américains d’arriver à Pointe Lévy dans les plus brefs délais.


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  • Opinion publiée dans Le Soleil (07.08.13) concernant le projet de TransCanada Pipelines portant sur la construction d'un terminal pétroloier maritime à Lévis.

     

    par Yvan-M. Roy

    Le rendement de l’industrie touristique dans la région de Québec repose sur l’exploitation d’un panorama grandiose et sur la notion d’une ville d’histoire et de fortifications. Un terminal pétrolier matitime viendrait s’installer au cœur de ce panorama, devant la ville d’histoire.

    Québec possède déjà à Lévis un terminal d’importation, celui d’Ultramar (Valero). Avec Trans Canada, ce serait un terminal pour l’exportation. Du travail à long terme pour les pilotes et une poignée de techniciens. Quatre, dix, vingt, trente réservoirs géants peut-être, voilà de quoi gâcher un paysage.

    Les éléments du décor sont nombreux: les Laurentides, l'île d'Orléans, le fleuve Saint-Laurent, Lévis, les Appalaches. Les principaux points d'observation publics et privés sont bien connus: la terrasse Dufferin, la terrasse Grey, la Promenade des Gouverneurs, la rue des Remparts, la Citadelle, et les hôtels Château Frontenac, Concorde, Delta et Hilton, sans oublier la Terrasse Chevalier de Lévis et le Fort Pointe-Lévis.

    La portée du paysage s'étend sur plus de 50 km. En 1684, un compagnon de Frontenac écrivait: «La vue la plus belle et la plus étendue qui soit au monde.» (La Hontan). Les ruines du Château Saint-Louis où résidait Frontenac se trouvent sous la terrasse Dufferin.

    Il va falloir à Trans Canada de sacrés bons arguments pour nous convaincre que ses réservoirs à pétrole brut pourront apporter une valeur ajoutée au paysage traditionnel de Québec. Il faut considérer pouvoir dire non sans gêne à un projet par Trans Canada d’un terminal d’exportation à Lévis. On a beaucoup à perdre, peu à gagner.


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  • Le 18 avril 1763, Marie-Josephte Corriveau entre dans la légende

    Par Yvan-M. Roy

    (Publié dans la revue La Seigneurie de Lauzon, No 128, Printemps 2013)

    Le 18 avril 1763, il y a donc 250 ans, un cortège macabre formé de quelques soldats anglais quitta la haute ville à Québec pour se diriger vers la Pointe-à-Carcy. Un canot attendait. Les soldats y placèrent une cage de fer dans laquelle se trouvait le cadavre d’une femme pendue quelques heures auparavant pour avoir assassiné son mari. Le canot se fraya un chemin vers Pointe-Lévy à travers les glaces de l’hiver précédent. Un capitaine de milice attendait à la Pointe-des-Pères, sur la rive droite du Saint-Laurent. La petite troupe débarqua la cage qui fut déposée dans une charrette. Le cortège se reforma pour se rendre sur le chemin du roi à l’endroit que le gouverneur militaire avait indiqué. Là, la cage fut accrochée à un gibet. Le cadavre de Marie-Josephte Corriveau fut exposé à la vue publique pendant plus d’un mois. Ce fut le point de départ d’une grande légende. Pour souligner l’anniversaire, nous avons voulu tirer de l’oubli le nom de personnes qui, de près ou de loin, ont accompagné ‘’La Corriveau’’ dans les semaines et les jours précédant son entrée dans la légende.  

     

    Un prêtre jésuite, à la fois confesseur et justicier

    Auguste-Louis de Glapion, supérieur général des Jésuites du Canada, de 1763 à 1790. Le 6 avril 1763, devant un tribunal militaire, lors d’une décision appuyée sur des preuves circonstancielles, Joseph Corriveau fut reconnu coupable du meurtre de son gendre Louis Dodier, commis le 15 janvier précédent dans le village de Saint-Vallier. Le père Glapion confessa Joseph Corriveau et lui fit entrevoir les portes de l’enfer si, pour sauver sa fille, il persistait à masquer la vérité. Sans Glapion, la légende de la Corriveau n’existerait pas. C’était du moins ce que laissait sous-entendre l’avocat Barthélemy Faribault (1789-1866) qui fut un des premiers à séparer les faits des déformations que la légende avait fait naître :

     

    « Le R. Père Glapion, alors supérieur des Jésuites de Québec, étant allé visiter Joseph Corriveau en prison, pour le préparer à la mort, après sa confession faite, le père Glapion lui demanda si véritablement c’était bien lui, Corriveau, qui avait tué son gendre Dodier, ou s’il connaissait qui avait commis le meurtre en question, que la rumeur publique attribuait ce meurtre à sa fille, Marie-Josephte Corriveau, et que si tel était le cas, il devait le déclarer. Sinon, qu’il devenait homicide de lui-même, et qu’il n’y avait aucun pardon à espérer pour lui dans l’autre monde… »[1]

     

     

     

    Joseph Corriveau avait-il pris panique devant la perspective de passer sa vie éternelle en enfer? Toujours est-il qu’en se disculpant, il incrimina sa fille. Un second procès eut alors lieu le 15 avril suivant. Dès le début, la poursuite présenta une déclaration de culpabilité de l’accusée. Le procès dura à peine quelques heures. Marie-Josephte Corriveau fut condamnée à subir un châtiment réservé en Grande-Bretagne aux criminels reconnus coupables d’infractions contre le souverain, l’état ou les lois de la  marine, tels les crimes de lèse-majesté, de trahison, de sédition ou de mutinerie. 

     

     

     

    Aveu de culpabilité et mobile du crime

     

     Marie-Josephte Corriveau avait vécu avec Louis-Étienne Dodier, son second mari, une relation de couple mouvementée. Le 15 janvier 1763, Dodier fut trouvé mort dans son étable. Lors d’un premier procès, elle fut reconnue complice de Joseph Corriveau dans le meurtre de son mari et condamnée à recevoir la peine du fouet et du fer rouge. Son procureur avait été Jean-Antoine Saillant, notaire public et avocat à Québec. Lors d’un second procès, elle fut reconnue coupable après que le procureur de l’accusation eut produit un aveu de culpabilité où elle déclarait avoir commis son crime pour mettre un terme aux violences de son mari.

    « Maria Josephte Corriveaux widow Dodier declares she murdered her husband Louis Heleine Dodier in the night, that he was in bed asleep, that she did it with a hatchet, that she was neither advised to it, assisted in it, neither anyone know of it; she is conscious that she deserves death, only begs of the Court, she may be indulged with a little time to confess, and make her peace with Heaven; adds, that it was indeed a good deal owing to the ill Treatment of her husband, she was guilty of this crime. »(2)

     

    Une toute petite femme  

     Marie-Josephte Corriveau était âgée de 30 ans quand une contemporaine, Marianne Pilette (1742-1829), l’observa à la sortie de la grande porte du couvent des Ursulines où s’était tenue la Cour martiale qui venait tout juste de rendre la terrible sentence. Dans son vieil âge, la dame Pilette raconta à Barthélemy Faribault que la condamnée était une femme « de petite stature et toute rapetissée qu’on avait ramenée à la prison dans une brouette… ».[3] 

     Marie-Josephte avait eu de Charles Bouchard, son premier mari, trois enfants. En 1763, Françoise, Angélique et Charles étaient âgés respectivement de 11, 9 et 6 ans.[4] Avait-elle cherché à les protéger d’un homme violent, qui sait? À cette époque, le mariage n’était dissous que par la mort d’un époux. Il n’y avait pas, comme aujourd’hui, de lois pour faciliter le divorce et protéger les enfants. Il n’y avait pas non plus de tribunaux pour assurer la paix, le bien-être et la sécurité des personnes exposées à la violence en milieu familial.

     

    Le président de la Cour martiale

    Roger Morris, lieutenant-colonel du 47e régiment, fut désigné par le gouverneur James Murray pour présider les deux procès de l’affaire Dodier. Le vendredi 15 avril 1763, au terme du second procès, Morris prononça contre Marie-Josephte Corriveau une sentence qui comportait deux éléments, la pendaison et l’exposition de la dépouille dans une cage de fer :

     

    « The court is of the opinion that the prisoner Maria Josephe Corriveaux widow Dodier is guilty of the crime laid to her charge, and doth adjudge her to suffer death for the same by being hanged in chains wherever the Governor shall think proper.”

     

    (Signed)          Roger Morris

                                       Lieut: Colonel, 47th Regt.  Prest.[5]

     

    Pendant la guerre de Sept Ans, Morris eut des états de service éloquents. Pensionné de l’armée en 1764, il alla s’établir à New York et se fit construire une maison, connue aujourd’hui sous le nom de maison Morris-Jumel, la plus ancienne construction sur l’île de Manhattan.

     

    Les procureurs au procès

    Hector-Théophile Cramahé et Jean-Antoine Saillant. Depuis 1741, Cramahé avait été compagnon d’armes de James Murray avant d’être son secrétaire après la chute de Québec. Murray nomma Cramahé procureur du roi à chacun des procès de l’affaire Dodier. Quant à Saillant, il avait commencé sa carrière juridique à Québec comme notaire royal en 1749. Par la suite, il occupa la charge de procureur au Conseil supérieur. Il fut nommé d’office procureur de la défense dans les deux procès. Dans le premier procès, il plaida sans succès l’absence de preuves directes et la présence de nombreuses contradictions et de preuves circonstancielles basées essentiellement sur des ouï-dire. Saillant aurait été tenu à l’écart des interrogatoires de sa cliente avant le second procès, et il n’aurait pas participé à la rédaction de la déclaration par laquelle Marie-Josephte Corriveau allait finalement s’incriminer. Dans notre droit contemporain, une déclaration de culpabilité établie en l’absence du procureur de la défense serait considérée comme abusive, contre le droit à une défense pleine et entière, et déclarée inconstitutionnelle. 

     Le gouverneur du régime militaire

     

    James Murray, lieutenant-colonel écossais, fut gouverneur et commandant militaire de Québec de 1759 à 1764. En septembre 1759, Murray était 4e en grade et commandait le centre de l’armée anglaise lors de la bataille des Plaines d’Abraham. En avril 1760, il fut défait à la bataille de Sainte-Foy par  Lévis qui commandait les troupes françaises et canadiennes. À titre de gouverneur, il désigna les 12 officiers du tribunal militaire formé pour décider de l’affaire Dodier. Il est probable que, derrière les rideaux, il suggéra l’inclusion du second élément de la sentence contre Marie-Josephte Corriveau. Murray délégua à Thomas Mills, major de la ville, les détails de l’exécution du premier élément, soit la pendaison, et au colonel Archibald Campbell, ceux de l’exposition publique à Pointe-Lévy du corps de la condamnée.  

    Murray fit preuve d’actions brutales pour policer un peuple soumis au régime de la loi martiale. En février 1760, après avoir chassé un détachement des forces françaises qui avait trouvé refuge dans la partie ouest de Pointe-Lévy, il fit brûler, en plein milieu d’un hiver rigoureux, toutes les habitations qui se trouvaient entre les rivières Etchemin et Chaudière. Trois mois plus tard, il fit pendre à Saint-Charles, devant son moulin, le capitaine de milice Nadeau pour avoir encouragé les citoyens à la révolte.[6] De 1760 à 1763, la sécurité constitua la préoccupation fondamentale de Murray pendant le régime militaire, la possibilité d’un retour des Français ou d’une révolte des Canadiens ne pouvait être écartée.[7] À la fin de 1764, Murray avait changé radicalement. Il écrivait à son secrétaire : «   Vous savez, Cramahé, j’aime les Canadiens mais vous ne pouvez concevoir combien je m’inquiète à leur sujet ; de les voir devenir la proie des plus licencieux des hommes, alors que je suis à leur tête, c’est ce que je ne peux endurer plus longtemps. »[8]

    En 1765, devenu gouverneur civil, il fit l’acquisition de la Seigneurie de Lauzon, à laquelle était rattachée la paroisse de Pointe-Lévy. Le notaire qu’il chargea de convoquer les habitants au presbytère pour que chacun y fasse valoir ses titres était Jean-Antoine Saillant, celui même qui, deux ans auparavant, avait été le procureur de Marie-Josephte Corriveau.

     

    Le bourreau et le forgeron de la mise en cage

    Nous savons peu de choses sur le bourreau qui fut chargé d’exécuter la sentence, si ce n’est qu’il se nommait John Fleeming. Une personne du même nom, émigra à Boston en 1764, publia le Boston Chronicle en 1767, et trouva refuge en France pendant la révolution américaine.

     

    Richard Dee fut le forgeron qui fabriqua le « gibbet irons », une cage faite de bandes de fer feuillard qui entouraient le corps de la condamnée. Dee reçut cinq livres, le prix coutumier en Angleterre pour un tel travail. L’auteur William Andrews a donné d’intéressantes précisions sur cette pratique de mise en cage : « The habit of gibetting  or hanging in chains the body of the executed criminal near the site of the crime , with the intention of thereby deterring others from capital offenses, was a coarse custom very generally prevalent in medieval England.” [9]

    En Nouvelle-Écosse, comme mesure dissuasive pour contrer les mutineries, on a pendu « dans les chaînes » jusqu’en 1809.  Sur l’île McNab, dans le port d’Halifax, tout navire entrant dans ce port devait absolument longer l’île, ce qui offrait ainsi aux marins une vue sur le sort qui leur était réservé en cas de révolte contre leurs officiers de bord.

    L’historien Luc Lacourcière a parlé avec ironie de cette pratique anglaise : « Bref, les gibets, presque aussi fréquents que nos croix de chemin, étaient considérés comme un des éléments les plus pittoresques de la campagne anglaise. »[10] 

    La France ne fut pas épargnée par cette pratique. À Paris, le gibet de Montfaucon,  appelé les « Fourches de la grande justice » fut en service jusqu’à 1629. 

     

    Du côté de la Pointe-Lévy

    Plusieurs écrits de l’époque établissent que Jean-Baptiste Carrier était le capitaine de milice de Pointe-Lévy en 1763.[11]   Les historiens s’accordent pour déterminer la date du lundi 18 avril comme celle de la pendaison. Après avoir été mis « dans les chaînes », le cadavre de Marie-Josephte Corriveau fut transporté à Pointe-Lévy pour y être exposé, probablement le même jour. Le 19 avril, le capitaine de milice de Pointe Lévy reçut par écrit un ordre du gouverneur de faire publier par trois fois un avis proclamant l’absolution de Joseph Corriveau et celle d’Isabelle Sylvain, reconnus coupables lors du premier procès. Quelques jours plus tard, avec l’ouverture de la navigation, le gouverneur apprit la nouvelle de la signature du Traité de Paris par lequel la France avait cédé le Canada à l’Angleterre. Après la menace et la terreur, Murray passa tout à coup en mode séduction. Le 25 mai, dans une grande déclaration à caractère politique, Murray adressa en ces termes un nouvel ordre au capitaine de milice de Pointe-Lévy :

     

    « La paix étant faite, et le pays restant à sa Majesté Britannique, Son Excellence, pour mieux engager les habitants à faire leur devoir, cherche à leur témoigner ses bienveillances et la douceur du gouvernement; c’est pourquoi , oubliant tout le passé, et voulant faire plaisir à ce Gouvernement en général, et aux habitants de votre paroisse en particulier, il vous permet par la présente d’ôter le corps de la veuve Dodier de la potence où elle pend à présent, et de l’enterrer où bon vous semblera ».[12] 

    Ces deux ordres, destinés au capitaine de milice de Pointe-Lévy, permettent d’avancer que le 18 avril, un tout premier ordre venant du gouverneur avait été adressé à Jean-Baptiste Carrier pour régler la question de l’exposition publique du cadavre dans sa cage. On peut conclure que le 25 mai 1763, Jean-Baptiste Carrier s’entoura de quelque uns de ses miliciens pour aller décrocher la cage. La cage décrochée, un nouveau cortège prit la direction de l’église où finalement l’inhumation eut lieu à l’extérieur du cimetière.[13]

     

    À la fourche du chemin à Pointe-Lévy

    C’est grâce à la tradition que l’on se souvient aujourd’hui de l’emplacement où  fut exposée la cage de la condamnée, à la fourche du chemin de Pointe Lévy, sur un petit cap, quelques pas à l’ouest d’un monument de Tempérance dont Louis-Fréchette avait  mentionné l’existence en 1885.[14] Sur ces lieux, en 1763, pour aller vers l’ouest, la grande route, appelée chemin du roi, passait tout droit pour continuer sur l’actuel tracé de la rue Saint-Georges. Ce n’est qu’en 1765 que fut crée une fourche dont la branche nord prit le nom de  ‘’Petite route’’.[15]  Pour rejoindre le chemin du roi à partir de la Pointe-des-Pères et finalement atteindre l’emplacement du gibet, le cortège a probablement longé les clôtures bordant la terre de Joseph Carrier.[16] Ce Carrier était-il canotier? Avait-il participé prêté son aide pour aller chercher la cage du côté de Québec?  De son vivant, Jean Carrier, son père, pendant longtemps avait été patron de chaloupe et messager du roi par eau sur toute l’étendue du Saint-Laurent.[17]

     

    La terre du curé de Pointe-Lévy

    Charles Youville-Dufrost fut curé de la Pointe-Lévy de 1744 à 1774. Depuis 1721, les curés de la paroisse avaient l’usufruit d’une terre 5 arpents en front située 12 arpents à l’ouest de l’église. La terre était traversée par le chemin du roi, aujourd’hui la rue Saint-Joseph. En 1762, le curé Dufrost avait loué cette terre à Étienne Gely qui l’occupa jusqu’en mai 1766.[18] Sur la « terre du curé » se trouvaient une maison, une étable, un jardin, un verger, des champs pour la culture, des pâturages et un boisé.

     

    Un contentieux entre le curé et le gouverneur

    En juin 1759, le curé Dufrost s’était réfugié à Saint-Henri avec ses paroissiens pour fuir devant l’arrivée des troupes anglaises. Le 29 juillet, il fut capturé avec 287 de ses paroissiens, hommes, femmes et enfants. Pour servir de boucliers humains, tous furent transportés à bord de deux navires marchands ancrés devant la flotte des vaisseaux de guerre ancrés sous la Pointe-Lévy. Ils furent libérés dans les jours qui suivirent la bataille des Plaines d’Abraham.[19] En janvier 1760, un parti d’éclaireurs français prit position dans la paroisse. Craignant d’être accusé d’avoir collaboré avec l’ennemi, Dufrost s’enfuit et trouva refuge à Montréal. En octobre 1761, il ne reprit sa charge à Pointe-Lévy que seulement après été obligé d’aller s’expliquer chez le gouverneur. Au terme de l’affaire Dodier, le gouverneur se méfiait-t-il toujours du curé Dufrost? En choisissant la ‘’Terre du curé’’ pour y suspendre la cage, Murray avait-il voulu passer de nouveau à ce curé patriote un message subtil en même temps qu’il lançait une sérieuse mise en garde à la population? Suivant la coutume britannique, c’est à Saint-Vallier, près des lieux du crime, que le corps de Marie-Josephte Corriveau aurait du faire l’objet d’une exposition ‘’dans les chaines’’.

     

     

    Cauchemars et épouvante

    Joseph Lemieux, Étienne Gely, Jean-Baptiste Duquet, avaient tous trois leurs habitations dans les environs immédiats où le cadavre de la « veuve Dodier » fut accroché au gibet, Lemieux à l’est de la « Terre du curé », Joly sur cette dernière, et Duquet à l’ouest. Jour après jour, pendant 5 semaines, les membres des trois familles se virent placés malgré eux en première ligne pour se préparer à des cauchemars nocturnes à la vue du vol des oiseaux charognards, à l’écoute du vent qui faisait grincer la cage, à l’odeur du cadavre qui se décomposait. Les passants eux étaient soumis à l’effroi et l’épouvante.

     

    Conclusion

    Les historiens ont raconté que ce furent les requêtes venant de Pointe-Lévy qui décidèrent le gouverneur Murray à autoriser l’enlèvement « du corps de la veuve Dodier de la potence ». Les Lemieux, Gely et Duquet, hommes, femmes et enfants, furent certainement au premier rang des demandeurs. Toutefois, il est possible également que ce fut plutôt la nouvelle du Traité de Paris qui décida finalement le gouverneur à assouplir son administration et à améliorer sa propre image. En 1765, Murray acheta la Seigneurie de Lauzon, à laquelle était rattachée la paroisse de Pointe-Lévy. La seigneurie était l’un des plus beaux et des plus riches domaines de l’ancien Canada.

     

     

    Petite et chétive, Marie-Josephte Corriveau s’était fait justice pendant le sommeil de son mari. Elle livra finalement le mobile de son crime. La loi s’appliqua avec rigueur. La clémence n’existait pas. Le jury militaire qui la déclara coupable imposa la pendaison « dans les chaines » , un châtiment inusité dans l’ancien Canada, le tout dans le but d’apeurer et de soumettre le peuple du pays nouvellement conquis. Cette triste histoire, survenue il y a 250 ans, a donné naissance à une légende fantastique qui traverse les siècles. C’est à Pointe-Lévy au printemps de 1763 que « La Corriveau » est entrée dans la légende.

     

     


    [1]  FARIBAULT, Barthélemy  Mémoire relativement à Marie-Josephte Corriveau, Archives du Séminaire de Québec, polygraphie 27, no 54.

    2. LACOURSIÈRE, Luc, Cahier des Dix, vol 33, p. 231. Traduction de l’auteur : « Marie Josephte Corriveaux, veuve Dodier, déclare qu’elle a assassiné son mari Louis Héleine (Étienne) Dodier dans la nuit pendant qu’il dormait dans son lit, qu’elle l’a fait avec une hachette, qu’elle n’a pas été conseillée ni aidée par quiconque et que personne n’avait été mis au courant; elle est consciente qu’elle mérite la mort et demande seulement à la Cour de lui accorder un peu de temps pour se confesser et faire sa paix avec le Ciel; elle ajoute que c’est en bonne partie à cause des mauvais traitements infligés par  son mari qu’elle s’est rendue coupable de ce crime. » 

    3. NOTE 2,  p. 234. Le registre des sépultures dans le cimetière des pauvres à l’Hôpital général de Québec donne le nom de Marie-Anne Pilet, décédée le 18 mai 1829.

    4. Dont la postérité est de plusieurs milliers de personnes, identifiables sous 250 noms de famille. Source : CORRIVEAU, Serge, Site de généalogie de la famille Corriveau [en  ligne]. [www.famillecorriveau.com/]

    5. Note 2, p. 231. Traduction de l’auteur : « La Cour est d’opinion que la prisonnière Maria Josephe Corriveaux, veuve Dodier, est coupable du crime porté contre elle, et la condamne à subir la mort par la pendaison dans les chaînes à l’endroit que le Gouverneur trouvera adéquat. »

    6.  ROY, Joseph-Edmond. Histoire de la Seigneurie de Lauzon, vol 2, p. 333-339.

    7.  BROWNE, J. P. -  James Murray, Dictionnaire biographique du Canada en ligne, [en ligne].

    [ http://www.biographi.ca/] 

    8.  Voir note 7

    9. [1] ANDREWS, William. Bygone Punishments, London, Andrews and Co. 1899, p. 41. Traduction de l’auteur: « L’habitude du gibet, celle de pendre dans les chaînes le corps du criminel près du site où  avait été commis le crime, comme moyen dissuasif, était une coutume répandue qui prévalait généralement dans l’Angleterre médiévale. » Faute d’une potence, on pendait bien souvent à la fourche d’un grand arbre.

    10. [1] Note 2, p. 236.

    11. [1] ROY, Yvan-M., « Lors de la Conquête devant Québec, des boucliers humains pour protéger la flotte anglaise »La Seigneurie de LauzonÉté 1995, no 58, p. 5-8.

    12.  Archives du séminaire de Québec, fonds Verreault, 42, no 11 et Barthélemy Faribault, Polygraphie 27, no 54.

    13. Situé alors du côté nord-ouest de l’église, le cimetière fut déménagé au tournant de 1850. Les ouvriers découvrirent la cage. Il ne restait que l’os d’une jambe. La cage prit la direction des Etats-Unis où elle fut localisée par Claudia Méndez en décembre 2001 dans les entrepôts du  Peabody Essex Museum, à Salem, Massachusetts. Elle en a fait la description suivante : « Ce n’est pas une cage à proprement parler, mais plutôt un exosquelette en fer noir, ajusté au corps par des bandes trouées comme des lanières en fer forgé et qui épousent parfaitement les formes du corps d’une très petite femme. »

    Source : La Seigneurie de Lauzon, no 124, Hiver 2012

    14. Journal La Patrie, 24 février 1885.  [en ligne]. [ http://www.crif.ca/textes/reliques.htm]

    15. Le 8 juin 1765. Pour établir le tracé de la ‘Petite route’’, le grand voyer François-Joseph Cugnet planta un drapeau au sommet de la côte de la Cabane-des-Pères et un autre au coin du verger qui se trouvait sur la « Terre du curé », elle-même située  à l’ouest de l’Église de Pointe-Lévy.

    Source : Histoire de la Seigneurie de Lauzon, vol 3., p. 21 

    16.  La terre de Joseph Carrier  a d’abord donné naissance à  la petite rue Saint-Laurent,  aujourd’hui, les rues Foisy et Saint-Maurice.  

    17. Joseph Carrier (1718-68), cousin germain du capitaine Jean-Baptiste Carrier,  tenait cette terre de son père Jean Carrier (1691-1749) et de son grand-père Jacques Samson (1646-99).   

    Source : ROY,  Yvan-M. , « Jean Carrier, maître canotier…», La Seigneurie de Lauzon, no 119, Automne 2010, , p. 13.    

     

    18.  BOURGET-ROBITAILLE, Gaétane, Le terrier de la Seigneurie de Lauzon (1765), Société d’histoire régionale de Lévis, 2005, p. 59-60. Depuis 1721, les curés de Pointe-Lévy louaient cette terre à des tiers, la fabrique conservait la nue propriété.

    19. [1] ROY, Yvan-M., « Lors de la Conquête devant Québec, des boucliers humains pour protéger la flotte anglaise », La Seigneurie de Lauzon, Été 1995, no 58, p. 5-8. 

     


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  • Opinion publiée dans  Journal de Lévis (p. 42), 19 décembre 2012

     

    Lévis et la mise en valeur des quartiers anciens

     

    Dans le Journal de Lévis (4.12.12), M. le conseiller Simon Théberge a déclaré que les commerçants ne reviendront pas dans le secteur de la Traverse sans investissements dans les infrastructures. La réaction faisait suite à une rencontre citoyenne tenue par un candidat adverse où un participant avait dénoncé l’absence de « ligne directrice » pour ce quartier historique.

     

    Il y a 50 ans, Québec entreprit la rénovation du quartier Petit-Champlain autour de l’idée de reconstruire l’ancienne Place Royale. En 1991, Lévis consulta la population à l’occasion du premier plan d’urbanisme. Un intervenant proposa la reconstruction de la Traverse comme c’était à l’époque d’Alphonse Desjardins (1854-1920). Depuis on ne sait pas quelle sera l’image de marque de la Traverse quand le tout sera complété. On connaît ce qui s’est fait et ce qui ne s’est pas fait depuis. Une note de passage jusqu’ici.

     

    Un plan d’urbanisme vient établir des zones et proposer  des lignes directrices pour l’ensemble du territoire. Lorsqu’il y des situations particulières, comme dans des quartiers anciens, les grandes villes du Québec ont adopté des programmes particuliers d’urbanisme (PPU). De Montréal à Saguenay, nos grandes villes ont voulu de tels PPU pour à la fois protéger les quartiers anciens et rentabiliser les investissements. Avec une population de 140 000 personnes (8e rang), Lévis refuse obstinément d’établir quelque PPU pour aucun de ses quartiers anciens. Pourquoi? C’est à n’y rien comprendre.

     

    M. Théberge d’ajouter qu’il ne « …comprend pas non plus la critique d’un citoyen qui estimait que le développement à Lévis se faisait pour l’avantage d’individus au détriment de la collectivité ». Je suis ce citoyen. Je vois dans le Plan d’urbanisme ce nouveau règlement par lequel « Le conseil de la Ville est habilité à autoriser, sur demande et à certaines conditions, un projet particulier de construction (PPC), de modification ou d’occupation d’un immeuble qui déroge à l’un ou l’autre des règlements prévus au chapitre IV de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme et en vigueur sur le territoire de la Ville de Lévis. »  (RV-2011-11-24)

     

    Lévis rejette donc les programmes particuliers d’urbanisme (PPU) et favorise les projets particuliers de construction (PPC), soutenant d’avoir  les outils suffisants. Ce n’est pas la ligne d’action retenue par les grandes villes du Québec. Nous voilà ici dans le régime du cas par cas, de l’intérêt individuel aux dépens de l’intérêt commun. Nos quartiers anciens plusieurs fois centenaires vont y passer l’un après l’autre.

     

    Yvan-M. Roy, Lévis

     


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  • L’entrée en vigueur du règlement sur les projets particuliers de construction, de modification ou d’occupation d’un immeuble (PPCMOI) et l’absence de programmes particuliers d’urbanisme (PPU), une situation anormale à corriger d’urgence  

     

      

     Mémoire présenté à l’occasion des consultations sur le projet de règlement des projets particuliers de construction, de modification ou d’occupation d’un immeuble (PPCMOI) 

     

    par  Yvan-M. Roy  - Lévis, le 15 novembre 2011

     

      

    1. Dynamique à partir des années 1980

     

    Au cours des années 1980, les anciennes villes de Lévis et de Lauzon avaient constaté l’importance de l’inventaire des bâtiments patrimoniaux sur leurs territoires et en conséquence, elles avaient adopté des programmes particuliers d’urbanisme (PPU) afin d’encadrer les interventions privées et publiques dans leurs centres-villes.

     

    En 1989, les villes se sont fusionnées. Un nouveau plan d’urbanisme fut adopté le 18 novembre 1991. La nouvelle ville publia un résumé du plan d’urbanisme dont voici le dernier paragraphe :

     

    « « «   Les programmes particuliers d’urbanisme (PPU).

                Les centres-villes des ex-villes  de Lévis et de Lauzon ont fait l’objet de tels PPU au début des années 1980. Comme les objectifs proposés par ces deux PPU ont été partiellement atteints et que la nouvelle Ville de Lévis se dote actuellement de nouvelles orientations d’aménagement, la délimitation des aires touchées par ces programmes particuliers d’urbanisme doit être révisée. Le plan d’urbanisme abroge donc les PPU existants et identifie, sur le plan des affectation du sol, de nouvelles aires pour lesquelles de nouveaux PPU seront élaborés après l’adoption du plan d’urbanisme.                                 » » » 

     

    En ce 15 novembre 2011, nous sommes maintenant exactement 20 ans plus tard. Il n’y a pas encore de PPU, ni pour le Vieux-Lévis, ni pour le Vieux-Lauzon, ni pour aucun des 10 autres anciens centres-villes du grand Lévis. Une situation unique parmi les 10 plus grandes villes du Québec. Il est maintenant moins important d’identifier les responsables que de corriger cette situation paradoxale.

     

    Lévis fête ses 350 ans et se refuse d’adopter un programme pour garantir une protection sérieuse aux éléments les plus précieux de son patrimoine immobilier.

     

    On trouve donc dans le Résumé du projet de Plan d’urbanisme adopté le 3 octobre 2011 des « objectifs » ou « orientations », mais rien de concret comme un « programme » établissant le cadre et les moyens devant permettre l’atteinte des objectifs :

                           

     

    « Dans cette optique, le plan d’urbanisme comprend l’objectif de protéger et de mettre en valeur les parties du territoire présentant une richesse sur le plan culturel et historique ainsi que le caractère patrimonial de certains axes routiers identitaires et des douze noyaux traditionnels. Les autres objectifs associés à cette orientation visent à assurer la pérennité et la mise en valeur des éléments identitaires majeurs, la protection du patrimoine archéologique ainsi que l’amélioration de la structure d’accueil de même que l’aménagement des espaces publics de l’une des portes d’entrée les plus importantes du territoire : le Vieux-Lévis, et plus particulièrement le secteur de la Traverse. » (Cahier spécial, Lévis s’informe, octobre 2011)

     

    De belles intentions suivant 2 décennies pendant lesquelles des constructions démesurées (Rives du Saint-Laurent, Diamant Bleu, Jazz, bientôt Espace Saint-Louis) sont venues briser l’harmonie du patrimoine immobilier ancien de la Traverse et du Vieux-Lévis. Et toujours pas de programme pour réglementer la mise en œuvre des objectifs proposés.

     

    2. Ce que devrait être un PPU pour le Vieux-Lévis et le secteur de la Traverse, et les 11 autres noyaux traditionnels

     

    Le ministère des Affaires municipales publie dans un « Outil de planification » les grandes lignes concernant l’utilité d’un PPU :

     

    « Le programme particulier d'urbanisme (PPU) est une composante du plan d'urbanisme. Le plan d'urbanisme réfère à la planification de l'ensemble du territoire municipal tandis que le PPU permet d'apporter plus de précisions quant à la planification de certains secteurs qui suscitent une attention toute particulière de la part du conseil municipal. »

     

    « L'identification par le conseil, les citoyens, les gens d'affaires ou par d'autres intervenants d'une préoccupation particulière concernant l'avenir d'un secteur de la municipalité, de problèmes ou de possibilités de mise en valeur peut démontrer la nécessité, pour la municipalité, d'assumer un leadership à l'égard d'un secteur afin d'influencer le processus de développement et de coordonner les actions des divers intervenants intéressés (p. ex. centre-ville, centre d'affaires, rues et ruelles trop étroites, choix et variétés de commerces limités, manque de stationnements ou, inversement, trop d'espace occupé par le stationnement, difficultés aux intersections, absence d'harmonie architecturale, nouveau dynamisme économique, présence d'un marché potentiel pour certains services, paysage urbain intéressant une fois les éléments négatifs éliminés, caractère historique, élimination des enseignes inadéquates). »

    Le recours au PPU comporte des avantages importants dont la possibilité d'utiliser des moyens d'intervention directe sur le cadre bâti :

    • il permet à la municipalité d'apporter une assistance financière aux propriétaires d'immeubles intéressés par les programmes particuliers de réaménagement, de restauration et de démolition (p. ex. programme de revitalisation à la construction, à la rénovation ou à la transformation des bâtiments et à l'aménagement des terrains dans un milieu bâti détérioré, vétuste ou propice à des travaux de mise en valeur en raison de son âge ou de sa qualité architecturale; programme de rénovation des façades commerciales);
    • un PPU applicable à la partie du territoire que le conseil municipal désigne comme son « centre-ville ou son secteur central » peut aussi comprendre un programme d'acquisition d'immeubles en vue de leur aliénation ou de leur location à des fins prévues dans le PPU;
    • une municipalité peut également recourir à son fond de stationnement pour acheter ou aménager des immeubles servant au stationnement.
    • une municipalité peut également, par règlement, adopter un programme de réhabilitation de l'environnement et accorder une subvention pour des travaux relatifs à un immeuble conformes à ce programme. »

    3. Quelques PPU à travers le Québec

    Le quartier international de Montréal, le quartier des spectacles de Montréal, le quartier Maisonneuve à Montréal, le secteur central de la zone aéroportuaire de Longueuil, le Vieux-Saint-Jean à Saint-Jean-sur-Richelieu, l’Arrondissement de Lennoxville, le PPU Tiffin à  Saint-Lambert, le centre-ville de Varennes, la colline parlementaire à Québec, le centre-ville de Gatineau.  

      

    4. L’absence d’un règlement sur les programmes particuliers d’urbanisme (PPU), une situation anormale à corriger d’urgence

    L’absence d’un PPU a  permis des atteintes graves et sérieuses  aux traits de caractère  du Vieux-Lévis et à ceux de la Traverse. Le vide a permis à des personnes incultes et cupides de s’avancer pour demander la destruction d’immeubles des plus anciens et des plus représentatifs de notre histoire.

      L’entrée en vigueur du règlement sur les projets particuliers de construction, de modification ou d’occupation d’un immeuble (PPCMOI) aurait du survenir en même temps que celles de programmes particuliers d’urbanisme (PPU) pour le Vieux-Lévis et le secteur de la Traverse, de même que pour les autres noyaux patrimoniaux. Présentement, nous constatons que l’intérêt privé (PPCMOI) continue d’avoir préséance sur l’intérêt public (PPU). Il y a un déséquilibre qui favorise la dilapidation de notre héritage. Lévis n’annonce que des intentions et se trouve hors-norme par rapport aux autres villes du Québec. Le conseil de Lévis doit agir d’urgence et corriger la situation.

     

     

     

     

      

     

     

     

     

     

     

     

     


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