• LA SOCIÉTÉ DE CONSTRUCTION PERMANENTE DE LÉVIS (1873)

    Avant propos :  En 1873, il n’y avait que deux institutions financières ayant place d’affaire à Lévis, soit la Caisse d’économie de Notre-Dame de Québec installée près des traversiers en 1868 et la Société de construction permanente de Lévis fondée en 1869. Un article publié le lundi 5 mai 1873 dans l’Écho de Lévis[1] nous renseigne sur les arguments retenus par l’institution de Lévis pour s’adresser au peuple, et plus particulièrement aux ouvriers, afin de favoriser l’épargne. L’extrait qui suit se doit d’être attribué à Léon Roy, notaire, fondateur de la Société de construction permanente de Lévis.

     

    (Extrait intégral tiré de l’Écho de Lévis)

     

    La Société de construction permanente de Lévis (1873)

     

    Léon Roy, secrétaire-trésorier

    L’Écho de Lévis, 5 mai 1873

     

    « Nous publions[2] dans une autre colonne le quatrième rapport annuel de cette société, et le public peut voir d’après ce rapport que la société est entrée dans une voie très prospère, où elle continuera bien certainement de s’avancer sous la sage et habile direction du bureau[3] qui préside à son administration.

     

    Le cercle des opérations de la société n’est pas encore très étendu, cependant, vu le peu de temps qui s’est écoulé depuis le jour où elle a commencé à exister, elle a produit des résultats très satisfaisants et promet d’être en état d’offrir avant longtemps, au public, tous les avantages et toutes les garanties que présentent les autres sociétés du même genre, plus puissantes et plus anciennes.

     

    Généralement, on n’apprécie pas suffisamment les avantages qu’offrent les sociétés du genre de la Société de construction permanente de Lévis, et grand nombre d’ouvriers croient qu’ils n’en peuvent tirer aucun profit. C’est là une grave erreur dont ils sont dupes les premiers. Il serait asses facile à un ouvrier sobre, laborieux et économe surtout pour celui qui entre en ménage, de mettre de côté quelques piastres par mois, de prendre une ou deux parts à la société de bâtisse[4], et au bout de dix ou douze ans, quand il pense à faire instruire ses enfants, ou à leur faire apprendre un métier, il serait en état de pourvoir à leur éducation et à leur entretien, même de les établir sans s’en apercevoir, pour ainsi dire.

     

    Ce que nous disons ici de l’ouvrier peut également s’appliquer à toutes les classes de la société, aux personnes d’une fortune indépendante, hommes de profession, cultivateurs, artisans, serviteurs, etc., tous peuvent insensiblement et avec facilité se créer un petit capital, qui leur sera ensuite de la plus grande utilité. Cela est également vrai du marchand, du commerçant qui croient communément que ces sociétés sont pour leur argent un mauvais placement, et ils n’auraient raison si nous disions qu’ils doivent mettre tous leurs fonds. Mais c’est là un moyen d’avoir en réserve un certain capital, sur lequel ils pourront compter en tout temps et qu’ils auront accumulé sans que leur commerce en ait aucunement souffert. Ceci est pour ceux qui veulent mettre leur argent en sûreté et le faire profiter d’une manière sûre et profitable.

     

    Quant à ceux qui désirent emprunter, ils trouvent aussi l’avantage de pouvoir obtenir au moyen d’une garantie raisonnable une somme qui leur permet d’acquérir des maisons ou autres propriétés, et surtout l’avantage, en quelque sorte inappréciable, de rembourser ce montant par petits versements périodiques pendant un certain laps de temps. Tous ceux qui en font fait l’essai s’en sont bien trouvés.

     

    Que l’on se prive un peu, que l’on fasse quelques économies afin de prendre une ou deux parts[5] à la société de bâtisse et ce sera pour l’ouvrier un encouragement au travail, une consolation de savoir qu’au bout de quelques années, il sera en état d’établir sa famille, ou de lui laisser un petit capital qui la mettra à l’abri de la misère ».

    (Fin de l’extrait)

     

    Tiré du procès-verbal de l’assemblée annuelle de 1884 :

     

    Cette année elle (la société) aura à payer la somme de $ 13 468.00 répartie entre 36 ½ actions, faisant $ 369.00 par action, donnant un intérêt de 8 %. Les Directeurs n’espéraient certainement pas arriver à un résultat aussi rémunératif, au delà même de toutes institutions financières dans le District de Québec.

     

     

    ÉPILOGUE (Par Yvan-M. Roy)  Première conclusion : Le « petit capital » d’un ouvrier qui, en 1873, aurait souscrit une action de 400 $ [6] dans la société se serait élevé dix ans plus tard à 769 $ [7]. C’est la première conclusion qui s’impose à la lecture du Rapport annuel de la société pour l’année 1884 :

     

               

                                                          Seconde conclusion : À cette époque, grâce à ses administrateurs, la Société de construction permanente de Lévis surpassait les institutions financières du grand Québec.

     

     

    Ajout : Les notes de bas de page sont d’Yvan-M. Roy, 20 décembre 2010.



    [1] De 1872 à 1876, Alphonse Desjardins était à l'emploi de l’Écho de Lévis. En mai 1873, lors de la parution de l'article en cause, Desjardins était agé de 18 ans. Il est possible que Desjardins ait joué un rôle dans la publication de cet article. Toutefois, il n'était pas un fervent mutualiste puisque ce n’est qu’en 1889 qu’il  prendra  la décision de souscrire une part dans le fonds de la Société de construction permanente de Lévis. Il se qualifia pour siéger au  ‘’bureau de direction’’ en compagnie de Théophile Carrier, son compagnon au collège de Lévis. Il retira son action en 1896 après avoir essuyé deux échecs aux élections du conseil (1894 & 1896)

    [2] Poitras & Cie, Propriétaires-Éditeurs, journal hebdomadaire avec entête : ‘’Journal politique, littéraire, commercial, industriel et agricole’’ et ‘’Le travail, l’économie et la pratique de bonnes mœurs élèvent le peuple et lui procurent le bien-être et la prospérité’’

    [3] Thomas Dunn, président, François Bertrand, vice-président,  Georges Carrier, Jos-Cyrille Hamel, Edouard Lemieux, Jean-Baptiste Michaud, Étienne Samson, administrateurs; Léon Roy, secrétaire-trésorier. (Théophile Carrier, tenue des livres)

    [4] Calque de l’anglais : “Building Society”

    [5] Le Quatrième rapport annuel de 1873 donne les informations suivantes : 410 actions (parts) sont émises d’une valeur de $ 400.00 chacune, durant l’exercice 1872-73, et un total de $ 9 548.00 a été prêté aux actionnaires ) (actualisé en 2010 à $ 2 400 000 ).

    [6] Soit 120 paiements de $ 3.33  par mois, pendant 10 ans.

    [7] Vers 1870, un ouvrier spécialisé gagnait $300 par année et pouvait acquérir une maison et son terrain pour environ 600 $.


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