• Mémoire de Yvan-M. Roy présenté l’occasion des consultations publiques du 7 et 8 octobre 1992 sur les projets de règlement d’urbanisme de la ville de Lévis

      

    (  Un résumé est présenté dans une entrée à part )

      

    Le présent mémoire est une opinion sur les projets de règlements d’urbanisme de Lévis, principalement ceux relatifs aux Vieux-Quartiers, aux plans d’implantation et d’intégration architecturale pour le secteur de la Traverse ainsi qu’aux plans d’aménagement d’ensemble pour le secteur de la Pointe-de-la-Martinière.

     

    L’auteur est né et a vécu à Lévis près de 30 ans. Il est issu d’une famille qui a fourni une contribution importante pour la conservation et la mise en valeur du patrimoine de Lévis. L’opinion de l’auteur est d’abord fondée sur la consultation des documents suivants :

     

     -         Projet de règlement relatif aux plans d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) pour le secteur de la Traverse

    -          Projet de règlement relatif aux plans d’aménagement d’ensemble

    -          Projet de Plan d’urbanisme de Lévis

    -          Plan directeur d’aménagement  de la bordure fluviale

    -          L’Ex-voto de Pointe-Lévy, musée de Sainte-Anne de Beaupré

    -          Les événements de 1837-38, de L.-N. Carrier

    -          Sir William Phips devant Québec, de Ernest Mayrand

    -          A Yankee in Canada, de Henry David Thoreau

    -          Les Anciens Canadiens, de Philippe Aubert de Gaspé

    -          L’Histoire de la Seigneurie de Lauzon (HSL), de Joseph-Edmond Roy

    -          Dates Lévisiennes (DL), de Pierre-Georges Roy

    -          Industrial District of Lévis, de Léon Roy

    -          Les greffes de Joseph-Edmond Roy et Adjutor Roy, notaires

    -          Les archives de la Société de construction permanente de Lévis

    -          La petite histoire de la Traverse de Lévis, de Roger Bruneau

    -          Le Canada by Rail, de Bill Coo

    -          Mes souvenances, de Léon Roy

    -          Les premiers colons de la rive-sud du Saint-Laurent, de Léon Roy

    -          Québec, de Mia et Klaus Matthes

    -          Rapport sur l’avenir de la Pointe-à-Carcy, de Boulet, Fernet et Richard

    -          L’histoire du Mouvement Desjardins, de Pierre Poulin

    -          Rails to Lévis, Canadian Rail, Sept-Oct 1991, par Douglas N. W. Smith

    -          Recueil de photos, Lévis, Lauzon, de Gaétan Paquet

    -          Québec, ville du patrimoine mondial, de Michel Lessard

    -          Géo, magazine No 158, Avril 1992

     

    L’opinion repose également sur des observations faites aux endroits suivants durant l’année 1992 :

     

    -          La Traverse de Lévis vue de la falaise de Lévis, de la rue Saint-Laurent, du fleuve Saint-Laurent, du boulevard Champlain, de la rue Dalhousie, et de la Terrasse Dufferin à Québec

    -          La Pointe-de-la-Martinière

    -          Le Vieux-Lauzon

    -          Le Vieux-Lévis

    -          Le quartier Saint-Laurent à Lévis

    -          Le quartier Cap-Blanc à Québec

    -          Le quartier et la rue du Petit-Champlain à Québec

    -          Le quartier de Place Royale à Québec

    -          La rue Dalhousie à Québec

    -          La rue Saint-Paul à Québec

    -          Le Vieux-Port de Québec

    -          La ville de Freeport, Maine

    -          La ville de Portland, Maine

     

    1       L’urbanisme et le patrimoine historique

     

    La ville de Lévis a entrepris en 1991 les étapes finales devant mener à l’adoption d’un plan d’urbanisme. Le plan d’urbanisme d’une ville doit tenir compte d’une multitude de facteurs, dont celui du caractère historique des lieux. Dans le récent passé, Lévis a souvent ignoré la richesse de son patrimoine. Les règlements d’urbanisme de Lévis auront deux effets possibles, la consolidation ou la dévaluation du patrimoine historique et environnemental de la ville.

     

              Les principaux intervenants concernant les règlements ont été :

     

    -               Le Groupe Enviram ( M. Christian Côté)

    -              Le Comité consultatif d’urbanisme (Mme Francine Bégin et M. Gilles       

                    Lehouiller, conseillers)

    -              La direction générale du développement de Lévis (M. Robert Cooke)

    -              Le service d’urbanisme (M. Robert Martel)

    -              Flynn, Rivard avocats

      

     

    1.1    L’histoire de Lévis en bref

     

    Lévis, ou anciennement Pointe-Lévy, est une localité qui a participé activement aux grands moments de l’histoire nord-américaine. Les résidents de Lévis n’ont pas su tirer profit de cette situation.

     

    Les écrits de Champlain laissent voir que ce site de Lévis était le point de rencontre des nations Etchemins et Malécites. Point de départ de la colonisation européenne sur la rive-droite du Saint-Laurent, Lévis a, pendant plusieurs générations, fourni les meilleurs canotiers du Canada. En 1890, la famille de Louis Jolliet, captive à bord du Six-Friends de l’amiral Phips, fut vraisemblablement libérée à la hauteur de Pointe-de-la-Martinière.  (…)

     

    Pendant l’été de 1759, la première brigade de l’armée anglaise campa à Pointe-Lévy. À cette époque, la ville de Québec fut réduite en cendres par les batteries d’artillerie du colonel Burton localisées sur le plateau qui borde la falaise de Lévis, au-dessus de la Traverse. Un engagement impliquant les miliciens de Lévis avec la brigade Monckton avait précédé l’occupation. En avril 1763, le corps de Marie-Josephte Corriveau fut exposé dans une cage de fer. En novembre 1775, les miliciens de Pointe-Lévy refusèrent d’obéir à la garnison de Québec. Ils hébergèrent les troupes du Congrès. De 1776 à 1782, Lévis fut occupé par de régiments de mercenaires allemands à la solde du gouvernement de Londres.

     

    En 1818, le premier grand hôtel de la région de Québec fut construit dans le secteur de la Traverse de Lévis (site Donbar). En 1829, le capitaine Allison Davie établit un chantier maritime qui a survécu à côté d’un rejeton (Mil Davie) œuvrant au niveau mondial. En 1854, le chemin de fer du Grand Tronc (Lévis-Hamilton) arriva à Lévis. En 1861, Lévis obtint sa charte du gouvernement des Provinces-Unies du Canada. En 1864, Lévis bâtit son premier hôtel de ville, la Halle Lauzon, dans le secteur de la Traverse. En 1864, le chantier Sewell construisit le Tea-Taster, un navire à voile de 900 tonnes qui fut un champion de courses océaniques. Également, le gouvernement canadien entreprend la construction de 3 fortifications sur les hauteurs de Lévis. En 1869, un groupe de Lévisiens fonda la Société de construction permanente de Lévis. Alphonse Desjardins en fut d’abord actionnaire, puis directeur de 1889 à 1894. En 1875, la Merchants Bank of Canada ouvrit un comptoir dans le secteur de la Traverse. En 1882, la Traverse comptait en Carrier & Lainé la plus importante industrie métallurgique du Canada. En 1884, l’Intercolonial Railway acheta la Halle Lauzon (la mairie) et inaugura la liaison Lévis-Halifax. En 1896, la People’s Bank of Halifax ouvrit un comptoir dans le secteur de la Traverse. (…)

     

    Le 6 décembre 1900, 124 citoyennes et citoyens de Lévis répondirent à l’invitation d’Alphonse Desjardins et adhérèrent aux statuts de la Caisse populaire de Lévis. En 1916, Alphonse Desjardins quitta son travail de sténographe français à la chambre des Communes. Pendant 24 ans, Desjardins avait fréquenté le quartier de la Traverse et la gare de l’Intercolonial à l’occasion de ses innombrables déplacements par train entre Lévis et Ottawa. La ville de Lévis est devenue avec les années le centre du mouvement coopératif Québécois. En 1963 la société Irving voulut implanter un complexe pétrolier à la Pointe-de-la-Martinière. M. Alfred Rouleau qui présidait Assurance-Vie Desjardins réunit alors les employés pour leur demander de lutter contre le projet. Il indiqua que la localisation du siège social risquait de partir vers Montréal. Irving recula. Le Mouvement Desjardins dont le siège social se trouve toujours à Lévis a présentement un actif de 40 milliards.

     

    1.2    Le patrimoine immobilier de Lévis

     

    Le caractère historique de Lévis se constate dans un riche patrimoine immobilier. Ce patrimoine se retrouve principalement dans les secteurs suivants :

         

    -          La Pointe-de-la-Martinière (terres ancestrales de 3 fondateurs de Pointe-Lévy).

    -          Le Vieux-Lauzon

    -          Le V ieux-Bienville

    -          Le Vieux-Lévis

    -          La Traverse

    -          Le quartier Saint-Laurent

     

    1.3    Dynamique urbaine

     

    Les développements récents ont souvent eu des effets négatifs sur le patrimoine ancien de Lévis, un capital si fragile. Les interventions publiques et privées des 50 dernières années ont fortement causé de grandes perturbations. À la Traverse, le bureau de poste, véritable monument, a été démoli pour faire place à un stationnement. Deux grandes fortifications ont disparu. Les orientations d’aménagement ont ignoré le caractère historique de Lévis. La remarque la plus incisive est venue d’un étranger, le journaliste américain Thomas Thompson :

     

          « Le visiteur nouvellement arrivé à Lévis aurait pu croire qu’un urbaniste dément avait été déraciner ce qu’il y avait de pire sur le continent américain pour le greffer sur cet emplacement historique ». (La trace du Serpent, 1979)

     

    Au début des années 80, les gouvernements supérieurs voulaient installer une aluminerie à la Pointe-de-la-Martinière. Ce projet menaçait non seulement le caractère patrimonial de lieux, car l’île d’Orléans était affectée gravement dans ses perspectives champêtres. Le complexe aurait pu être localisé au sud de l’autoroute Jean Lesage sans déranger les perspectives traditionnelles. Le projet fut abandonné comme celui du géant Irving en 1963.

     

    Au milieu des années 1980, c’est le secteur de la Traverse qui a semblé le plus compromis. Au début de juillet 1987, j’ai écrit une lettre au maire Vincent Chagnon et aux conseillers de Lévis pour les convaincre « de considérer l’aspect patrimonial dans la décision relative aux projets Rives du Saint-Laurent et Quai d’Orsay ». Les dirigeants de Lévis n’ont pas tenu compte de mon avis. Ils ont donné le feu vert à la construction du complexe Les Rives du Saint-Laurent.

     

    Cinq ans après cette lettre, je ne manque pas de témoignages pour soutenir que la ville de Lévis a gravement manqué à ses obligations concernant la conservation et la mise en valeur de notre patrimoine commun dans le secteur de la Traverse. Les critiques ont été très sévères.

     

    Les immeubles qui ont été autorisés, par leur modernisme et leurs gabarits, écrasent les autres bâtiments patrimoniaux du secteur. La ville n’a imposé aucune contrainte architecturale pour rattacher ces immeubles au secteur historique de la côte Labadie. Pire encore, la ville a fermé l’historique côte Labadie. Bref, la ville de Lévis a agi comme si la question du patrimoine historique était un facteur négatif dans la dynamique urbaine.

     

    L’environnement du secteur de la Traverse indiquait qu’il fallait chercher à intégrer dans un quartier historique la construction d’immeubles ne dépassant pas trois étages. En permettant la construction de grandes unités de 6 étages, une erreur grossière a été commise dont la responsabilité doit être partagée conjointement par la ville, détentrice du pouvoir de réglementer et d’émettre les permis, et par les administrateurs de la Caisse populaire de Lévis, l’institution qui a autorisé le financement des immeubles.

     

    2. Les règlements d’urbanisme

     

    J’ai observé les règlements d’urbanismes dans leur ensemble, et plus spécifiquement ceux concernant les Vieux-Quartiers, le secteur de la Traverse et celui de la Pointe-de-la-Martinière.

     

    2.1 Les Vieux-Quartiers

     

    Concernant les Vieux-Quartiers, j’appuie la résolution de Lévis de vouloir assurer la préservation et la mise en valeur des 1 270 bâtiments qui ont été identifiés dans ces secteurs du Vieux-Lévis et du Vieux-Lauzon. L’idée d’en faire un inventaire descriptif complet et de sensibiliser les propriétaires est grandement méritoire. Je n’ai pu constater si des bâtiments patrimoniaux de très grande valeur ont été retenus, comme ceux qui sont à l’extérieur des vieux quartiers officiels, notamment à la Pointe-de-la-Martinière, à Bienville, à la Traverse, dans le quartier Saint-Laurent, et à Saint-David.

     

    J’ai remarqué que la ville impose des règles strictes aux quelques 1 270 petits propriétaires du Vieux-Lévis et du Vieux-Lauzon afin de conserver le caractère patrimonial des secteurs. J’ai trouvé injuste que la ville ne soit pas intervenue avec des règles aussi strictes pour les grands propriétaires d’autres secteurs, notamment dans le secteur historique de la Traverse et celui de la Pointe-de-la-Martinière.

     

    2.2 Le secteur de la Traverse

     

    Concernant le secteur de la Traverse, le Projet de règlement relatif aux plans d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) identifie, en plus de la zone du Chantier maritime A.C. Davie, 6 zones ou catégories de construction, de terrains ou de travaux visés. Ces zones sont les suivantes :

     

    -          zone Hd 59-65  ( côte Bégin – ancien J.-L. Demers)

    -          zone Pa  59-44  ( le Chantier maritime A.C. Davie)

    -          zone Cm 59-31  ( le Vieux Quartier)

    -          zone Cm 59-32  ( Donbar)

    -          zone Pa  59-33  ( le quai Paquet)

    -          zone Cm 59-15  ( le bureau de Poste Canada)

    -          zone Pa  59-22  ( la Gare intermodale )

     

    J’ai fait une lecture attentive des objectifs et critères d’évaluation applicables à ces   zones. Dans toutes les zones, j’ai remarqué qu’il y avait des facteurs qui attaquaient gravement le caractère historique du secteur. Concernant le caractère historique de Lévis, la zone qui subira les impacts négatifs les plus significatifs sera la zone Hd 59-65 (côte Bégin – ancien J.-L. Demers). Ces impacts négatifs se feront sentir jusqu’aux principaux points d’observation dans la ville de Québec. L’impact le plus grave résultant de cette zone se fera sur la falaise de Lévis et sur la zone  Pa 59-44  (Chantier maritime A.C. Davie).

     

    Les zones zone Cm 59-32  ( Donbar) et  Pa 59-33  ( le quai Paquet) subiront des effets négatifs importants, quoique moins graves. Enfin, la  zone Cm 59-31  ( Vieux Quartier) subira elle aussi des effets négatifs qui pourraient être facilement évités.

     

    Les règlements proposés ne consacrent pas le caractère historique du secteur où est née la corporation de la ville de Lévis, et où a débuté le dynamisme économique de la population de Lévis. Le 5 février 1991, j’ai proposé à la ville de Lévis de diriger la réglementation dans le secteur de la Traverse pour redonner à ce secteur historique l’aspect qu’il avait à l’époque où ont vécu Allission Davie et Alphonse Desjardins.

     

    Je ne crois pas avoir été rêveur en proposant une telle solution. Je pense avoir fait preuve de réalisme économique. Je suis convaincu que ma proposition est celle qui la mieux balancée et celle qui devrait apporter le plus de dividendes aux citoyens de Lévis. Ma conviction repose sur les points suivants :

     

    -          La proposition rencontre les 5 grandes orientations d’aménagement du Plan d’urbanisme de Lévis;

    -          La proposition tire les leçons de l’échec du Vieux-Port de Québec;

    -          La proposition s’appuie sur la règle « McDonald patrimoniale »;

    -          La proposition s’appuie sur la présence du chemin de fer et des traversiers.

     

    Cette proposition vise à permettre des immobilisations nouvelles et de stimuler une grande activité commerciale dans le secteur de la Traverse. Elle se situe à la rencontre de l’équilibre qu’il faut garder entre l’intérêt public et l’intérêt privé. La ville de Lévis a l’obligation de rechercher l’équilibre entre l’intérêt public et l’intérêt privé.

     

    2.2.1 Les 5 grandes orientations d’aménagement du Plan d’urbanisme de Lévis

     

    1.      Renforcer le positionnement régional

    2.      Développe le potentiel touristique

    3.      Améliorer la qualité de vie du milieu

    4.      Optimiser l’utilisation du sol et l’organisation spatiale des fonctions urbaines

    5.      Contrôler l’expansion urbaine et rentabiliser les infrastructures publiques.

     

     

    2.2.2        Leçons tirées de l’échec du Vieux-Port de Québec

     

    Les autorités du Canada ont investi pour les fêtes de 1984 plus de 125 000 000 $ dans le Vieux-Port de Québec afin de stimuler l’activité commerciale. La plupart des observateurs avaient prédit un échec. Deux opinions, publiées à la une dans Le Soleil du 29 novembre 1983, étaient pourtant prophétiques :

     

          « Le Vieux-Port, c’est désastreux, dramatique à long terme en ce qui concerne la détérioration du Vieux-Québec » (Rodrigue Bédard, président des gens d’affaires du Vieux-Québec )

     

          « Ils vont se casser la gueule avec leurs boutiques, tranche M. Gerry Paris, du Petit-Champlain. Les gens, et surtout les touristes, n’iront pas dans ces installations tout à fait artificielles. C’est du copiage de ce qui s’est fait aux États-Unis, à Quincy Market de Boston. Or, ce n’est pas toutes les copies américaines qui marchent au Québec! » Selon M. Paris, les visiteurs qui viennent à Québec sont à la recherche d’authentique, de vieilles bâtisses, de vrai monde. Les grands espaces et les centres commerciaux, ils les ont déjà chez eux. Et il est de notoriété publique que l’artisanat dans les centres commerciaux, ça ne marche pas. »

     

    La leçon du Vieux-Port de Québec devrait éclairer les décideurs de Lévis. Lévis n’a pas les moyens de se casser la gueule. Les personnes physiques et morales qui seront identifiées resteront marquées pour longtemps.

     

    Il existe de nombreuses photographies du secteur de la Traverse prises au début du siècle, notamment dans Industrial District of Lévis, dans Québec, ville du Patrimoine mondial de l’historien Michel Lessard et dans l’album Lévis du photographe Gaétan Paquet. Pour assurer un succès commercial et la création d’un site unique en  Amérique, Lévis devrait imposer de manière stricte la reconstruction du secteur historique de la Traverse avec comme guides les photographies pertinentes de ces documents.

     

    2.2.3        La règle McDonald patrimoniale vs la règle McDonald impériale

     

    L’entreprise McDonald  est reconnue comme une multinationale qui ne négocie pas l’architecture de ses immobilisations. Il y a des milliers de restaurants  McDonald jumeaux en Amérique. Sur ce point, Lévis, Skowhegan, Saco, Longueuil, Windsor, etc. se ressemblent. Pourtant, depuis quelques années, l’entreprise  McDonald a adopté des dérogations importantes à la rigidité des règles pour l’implantation et l’intégration de ses restaurants afin de préserver le caractère des secteurs historiques particuliers.

     

    J’ai donné la règle ‘‘McDonald impériale’’ à la règle qui concerne l’architecture commune des restaurants McDonald. Selon une telle règle, le promoteur concessionnaire impose à la ville hôte ses plans et devis. C’est à prendre ou à laisser. Le restaurant  McDonald de la route Kennedy à Lévis, ouvert au tournant des années 80’ est un exemple typique d’une règle ‘’ McDonald impériale’’.

     

    J’ai donné le nom de règle ‘’ McDonald patrimoniale’’ à une règle spéciale que le promoteur propose à la ville hôte pour préserver le caractère patrimonial du secteur d’implantation. Le restaurant  McDonald de la ville de Freeport, Maine, est l’exemple le plus remarquable du civisme économique de la multinationale McDonald. Le restaurant est situé devant l’Harraseeket Inn, une des plus anciennes auberges du Maine. L’architecture du bâtiment-restaurant appartient à l’époque où fut bâtie l’Harraseeket Inn. L’immense ‘’M’’, généralement présent devant tout restaurant, a cédé la place à deux enseignes discrètes qui sont suspendues, l’une au dessus de la porte principale, et l’autre à l’entrée du stationnement.

     

    La ‘’Règle McDonald impériale’’ est la règle du ‘’gigantesque et payant’’. La ‘’ McDonald patrimoniale’’ est la règle du ‘’pittoresque et payant’’.

     

    La proposition que j’ai formulée pour la Traverse est fondée sur une règle de type ‘’ McDonald patrimoniale’’. Elle s’appuie sur les valeurs fondamentales de Lévis (Davie, Desjardins, la Halle Lauzon, Banque des Marchands, etc.) et non seulement sur les perspectives du fleuve et celles de la ville de Québec.

     

    2.2.4        Le chemin de fer et les traversiers

     

    Le chemin de fer permet de relier la ville de Lévis directement à Montréal et Halifax. Le service des voyageurs bénéficie d’une promotion internationale. Le transcontinental de Via Rail passe par la basse ville de Lévis. Les futurs hôteliers et aubergistes de la Traverse pourront faire la promotion directement à Montréal et dans les Maritimes…

     

    Selon les statistiques de la Société des traversiers pour la période estivale de 1986, près de 500 000 visiteurs sont montés à bord des navires sans descendre à Lévis. Il s’agit d’un potentiel incroyable. Ce n’est pas en créant des immobilisations sans caractère que ces visiteurs vont débarquer. Dans la région de Québec, c’est le caractère ancien qui domine. Lévis a une occasion en or pour rétablir le pittoresque perdu. Je suis d’avis que c’est en récréant de manière stricte l’ancien quartier de la Traverse que Lévis atteindra son but.

     

    2.2.5        Les zones du secteur de la Traverse

     

    La zone Hd 59-65 (Côte Bégin)

     

    La zone Hd 59-65 (Côte Bégin) fait face directement au Château Frontenac de Québec. Les personnes qui sont actuellement propriétaires de cette zone ont déclaré dans l’acte d’acquisition du 13 août 1986 que la vraie considération aux fins de droits de mutation était de 225 000 $. Le 30 décembre 1987, la Caisse populaire de Lévis a accordé un prêt de 750 000 $ aux propriétaires en cause. (C’est la zone du projet Quai d’Orsay)

     

    -          La zone Hd 59-65 (Côte Bégin) est voisine à l’est de la zone zone Pa 59-44  ( le Chantier A.C. Davie). Les installations portuaires de ce petit chantier avancent même dans le fleuve devant la zone Hd-65 (voir annexe 6).

     

    Je considère que pour cette zone, il y a une contradiction flagrante entre la plupart des objectifs principaux et les critères d’évaluation.

     

          Les objectifs principaux de cette zone sont au nombre de 5 :

     

    -          Le premier objectif visé consiste à harmoniser l’implantation et l’intégration architecturale des bâtiments résidentiels à fort gabarit de cette zone dans le contexte d’ensemble du secteur de la Traverse;

     

    -          Le deuxième objectif visé consiste à assurer que le projet respectera la capacité d’accueil du site en ce qui a trait aux bâtiments, stationnements et aménagements paysagers;

     

    -          Le troisième objectif visé est de limiter l’impact sur l’accès visuel au fleuve à partir du haut de la falaise;

     

    -          Le quatrième objectif visé est de limiter l’impact visuel observé à partir du fleuve;

     

    -          Le cinquième objectif est de respecter la falaise comme un élément majeur du paysage urbain avec lequel un projet doit composer;

     

    Les spécifications concernant la zone Hd-59-65 permettent une densité brute de 150 logements et plus à l’hectare. La hauteur maximale des bâtiments, mesurés à partir de la cote d’élévation de 7,5 m est fixée à 17 mètres. Les règlements prévoient que les bâtiments se trouvant dans cette zone auront une élévation réelle de 24,50 m. au dessus du niveau de la mer.

     

    À l’extrémité ouest de la zone, la cîme de la falaise se trouve à 32 m. d’élévation réelle, au centre, la cîme se trouve à 36 m., et à l’est, elle diminue de 36 m. à 25 m. en gagnant la côte Bégin.

     

    La zone Hd 59-65  longe la rue Saint-Laurent sur plus de 300 m. Je prévois donc que sous une perspective obtenue à partir du Vieux-Port de Québec, la falaise de Lévis sera masquée de 66% à 100% sur une distance de 300 mètres entre le chantier maritime A.C. Davie et la côte Bégin.

     

    Dans un document que j’ai remis à M. Gilles Lehouiller le 27 février 1991, j’ai indiqué que le complexe Les Rives du Saint-Laurent a masqué la falaise de Lévis pour un pourcentage de 64% sur une distance de 110 m. En 1992, cette distance a été portée à 150 m. par l’ajout d’une nouvelle construction.

     

    Ceux qui ont été renversés par la taille du complexe Les Rives du Saint-Laurent n’ont rien vu encore. Dans la zone Hd 59-65 au pied de la côte Bégin, le complexe que les règlements autoriseront pourra être deux fois plus important que le complexe Les Rives du Saint-Laurent. Trois cent mètres font bien le double de cent cinquante mètres. Trois cent mètres peuvent accueillir 3 terrains de football bout en bout, ou cinq patinoires grandeur réglementaire. Les 5 principes énoncés dans le règlement sont contredits radicalement par les critères d’application.

     

    La falaise de Lévis, élément du patrimoine mondial

     

    Dans son analyse sur les potentiels du secteur de la Traverse, la firme Enviram avait ainsi décrit la falaise de Lévis dans le Plan directeur de la bordure fluviale :

     

          « En arrière plan du secteur de la Traverse, la falaise et son couvert végétal constitue un élément fort de la structure du paysage qui rehausse la qualité de l’espace perçu et insère un des rares éléments à caractère naturel dans le champ des observateurs » (p. 23)

     

    Comment donc déterminer l’élévation de manière à permettre à la falaise de Lévis de demeurer un élément fort de la structure du paysage ?

     

    C’est le XIXe siècle qui a marqué l’architecture des bâtiments subsistants dans le secteur de la Traverse. Une consultation des photos anciennes du secteur (Voir avenue Laurier, Industrial District of Lévis, p. 59) indique que la majorité des bâtiments avaient alors 3 étages, la minorité 4 étages (voir annexe 3). J’ai déjà indiqué au conseil de ville que mes observations de la basse-ville de Québec ont révélé l’existence d’un ratio d’élévation bâtiment/falaise inférieur à 33% (Voir Géo, Avril 1992, p. 88). Le ratio dans la basse-ville de Lévis n’a jamais dépassé 50% en ce qui concerne les bâtiments traditionnels. Je suis d’avis que les critères d’évaluation permettant 6 étages sont donc très généreux, trop généreux pour les promoteurs. Ils sont excessivement dangereux pour l’élémente naturel constitué par la falaise de Lévis.

     

    La falaise de Lévis fait partie de Québec, ville du patrimoine mondial. Quelques citoyens de Lévis conservent jalousement des boulets français trouvés à la cime de la falaise et tirés sur les batteries anglaises par les batteries de Québec durant l’été 1759.

     

    Puisque la zone Hd 59-65 est située perpendiculairement devant le Château Frontenac, l’image nouvelle de cette zone reflétera pour les siècles à venir l’image de Lévis. Je prévois que l’image projetée sera celle de Lévis ‘’ balconville sur Saint-Laurent’’.

     

    Conclusions pour la zone Hd 59-65 (Côte Bégin –J.L. Demers)

     

    En conséquence, je suis d’avis que pour la zone Hd 59-65, et ceci étant valable également pour tout le secteur historique de la Traverse, aucun des bâtiments futurs ne devrait être plus élevé que 3 étages ou 12 mètres, soit la hauteur des bâtiments traditionnels existant actuellement.

     

    En aucun cas, la falaise ne devrait être masquée pour une élévation supérieure à plus de 50% (au pied à la cime).

     

    Les bâtiments commerciaux et publics devant servir de référence étant la Banque des Marchands (Hôtel Saint-Louis), l’ancienne pharmacie Dion-Rexall, l’ancien Poste de police et de pompiers ( auj. démoli). Pour les bâtiments résidentiels, les immeubles de la rue Saint-Laurent à l’Anse Tibbits, le complexe 2,4,6,8 et 12 Wolfe, et la maison A.C. Davie devraient servir, entre autres, comme points ou objets de référence.

     

    Je suis d’avis également que la norme de densité brute ne devrait pas dépasser 40 logements à l’hectare (potentiel proposé, 150 à l’hectare).

     

    Vu le prix payé en 1986 pour l’acquisition des terrains dans cette zone, considérant la valeur considérable ajoutée par les gouvernements supérieurs à l’occasion du redressement de la côte Bégin (coût (800 000$), et qu’il s’agit encore des mêmes propriétaires, les mesures que je propose ne créent pas d’injustice. La construction de 40 logements à l’hectare permettra de générer des profits raisonnables.

     

    Le rythme de succession des terrains devrait être marqué à tous les 15 mètres (plus ou moins) en ce qui concerne les bâtiments commerciaux, et sur une distance moindre pour les résidences privées.

     

    Aucun balcon-patio ni aucune porte-fenêtre donnant sur la voie publique ne devraient être permis.

     

    Les toitures permises devraient être à toits à  deux versants, à mansarde, et à toits plats avec corniches décoratives (type ancien), et tôle d’acier émaillé.

     

    Quant aux matériaux, l’utilisation de la brique et de la maçonnerie devrait dominer, avec exclusion du déclin de bois et d’aluminium. Ma recommandation repose sur une étude que j’ai remise à la ville de Lévis le 27 février 1991 dans laquelle j’ai indiqué que 15 des 18 bâtiments patrimoniaux au sud de la rue Saint-Laurent dans le secteur de la Traverse sont en brique.

     

    Quant au type et la couleur de briques permises, les règlements devraient spécifier la brique de type ‘’ brique d’Écosse’’ comme celle avec laquelle fut bâti l’actuel Hôtel Saint-Louis et le restaurant-bar l’Escalier ainsi que la brique rouge du type de celle qui prédominait à l’époque de la révolution industrielle.

     

    Le Couvent de Lévis, le complexe du bas de la rue Wolfe, et quelques édifices rue Saint-Jean entre la rue Wolfe et Fraser sont des  exemples éloquents du mariage  au XIXe siècle de ces deux couleurs de matériaux.

     

    Quant à la fenestration, elle devrait s’apparenter aux dimensions que l’on trouve sur les édifices patrimoniaux, tant pour le rez-de-chaussée que pour les étages supérieurs..

     

    2.2.5.2 La zone Pa 59-44 (Chantier maritime A.C. Davie)

     

    Le petit chantier maritime fondé par Allison Davie en 1829 et situé dans la zone Pa- 59-44 fera l’objet d’importants investissements dans les années futures. Ce petit chantier apparaît sur des toiles réalisées avant 1850 et conservées aux Archives nationales du Canada.

     

    La zone Pa 59-44 voisine immédiatement à l’ouest la zone Hd 59-65 (côte Bégin) (en Annexe 6). Comme nous l’avons vu, les règlements permettront dans la zone Hd 5965 (côte Bégin) la construction d’immeubles de 6 étages sur 300 mètres. Je suis d’avis que l’immense potentiel de la zone Pa 59-44 (Chantier maritime) sera gravement diminué par la réglementation proposée dans la zone Hd 59-65 (côte Bégin).

     

    J’estime que les fonds publics qui seront investis pour la rénovation du petit chantier maritime ne donneront pas le rendement qui pourrait être escompté à moins que la réglementation ne permette la construction d’immeubles aux caractéristiques architecturales reliées à celles du XIXe siècle, l’âge d’or de la Traverse.

     

    2.2.5.3 Zone Cm 59-31 (Vieux quartier)

     

    La zone Cm 59-31 (Vieux quartier) est située au sud de la rue Saint-Laurent, entre les deux escaliers à flanc de falaise. Il existe une vingtaine de bâtiments anciens qui subsistent encore dans cette zone, certains avec une très grande valeur (i.e. la Banque des Marchands). Les conclusions que j’ai formulées concernant la zone Hd 59-65 s’appliquent intégralement à cette zone.

     

    Les dimensions des bâtiments devraient être exactement celles qui apparaissaient dans la photographie ‘’Laurier Avenue’’ à la page 59 de Industrial District of Lévis. S’il fallait permettre un bâtiment de 4 étages, c’est uniquement à l’endroit où la photographie révèle la présence d’un tel bâtiment.

     

    2.2.5.4  Zone Cm 59-32 (Donbar)

     

    Les conclusions que j’ai formulées concernant la zone Hd 59-65 s’appliquent intégralement à cette zone. Cette zone fut le site autrefois de l’Hôtel Lauzon. Les promoteurs devraient être inspirés par l’histoire de cet hôtel et celle de son constructeur Henry John Caldwell afin de donner une vocation internationale à l’immeuble. Henry John Caldwell était le fils de Henry Caldwell, le messager qui fut chargé après la mort de Wolfe d’aller porter au roi d’Angleterre les nouvelles concernant la bataille des Plaines d’Abraham ( Les Caldwell étaient les seigneurs de Lauzon). Henry John était un entrepreneur audacieux, la première personne qui a cru au développement touristique de Lévis. Ce fut le premier propriétaire d’un navire à vapeur à Québec.

     

    Les perspectives du futur hôtel sur ce site doivent être extrêmement intéressantes sur tous les aspects. C’est pour ces raisons que j’insiste tant sur la nécessité de rénover la rue Saint-Laurent et la rue Laurier pour leur redonner leur atmosphère d’antan. La rentabilité du futur hôtel en dépend. Plus le milieu sera pittoresque, plus sera grand le pouvoir d’attraction de l’hôtel.

     

    C’est à cet endroit que se trouvaient autrefois, l’un à côté de l’autre, le premier poste de police de Lévis (voir Industrial District of Lévis, p. 59, Annexe 3) et l’industrie Carrier & Lainé. Il est à remarquer la présence d’un immeuble au nord du poste de police avec balcon au second étage avec vue sur la ville de Québec.

     

    Les dimensions de cette zone débordent sur la voie ferrée. Si les dimensions de cette zone sont acceptées, il ne sera plus jamais possible de rétablir le lien ferroviaire Halifax-Montréal qui traverse actuellement la ville de Lévis. Le règlement apparaît à sa face même comme étant d’une extrême imprudence.

     

    2.2.5.5   Zone Pa 59-33     (Quai Paquet)

     

    Le premier objectif pour cette zone consiste à mettre en valeur l’aménagement paysager du quai afin de conserver l’accessibilité publique du site sans interférer sur les activités d’accostage des bateaux. Je considère cet objectif valable.

     

    C’est le second objectif qui pose problème, soit celui concernant l’implantation d’un immeuble sur le quai Paquet. Je m’oppose à la construction d’un bâtiment récréo-touristique sur le quai Paquet pour les mêmes raisons que celles que j’ai formulées en juin 1989 sur l’avenir de la Pointe-à-Carcy à Québec. Il y a suffisamment d’espace ailleurs le long de la rue Saint-Laurent pour une telle immobilisation. Il s’agit à mon avis d’un manège pour permettre l’extension des immobilisations de la zone Cm 59-32 (Donbar) sur le quai Paquet (voir p. 31, Critères d’évaluation, 1 g).

     

    Le quai Paquet est un espace gagné sur le Saint-Laurent à des fins portuaires. Les immobilisations ne devraient être permises de manière stricte que pour satisfaire l’usage principal du quai.

     

    La zone Cm 59-32 (Donbar), en excluant l’emprise de la voie ferrée, est suffisamment étendue pour l’érection d’un complexe hôtelier. L’usine Carrier & Lainé occupait autrefois ce site avec avantage. L’érection d’un immeuble à l’est du complexe hôtelier (annoncé) viendra bloquer les perspectives sur la Pointe-des-Pères ( à Bienville) et sur le petit Chantier maritime ( A.C. Davie). L’effet négatif de l’immobilisation se fera sur la rentabilité du futur hôtel. Qui voudra d’une chambre avec vue sur un bâtiment récréo-touristique ?

     

    2.2.5.6      Zone Cm 59-15  (Bureau de poste)

     

    Les énoncés concernant cette zone sont louables. Je ne vois pas d’objectifs qui porteraient d’effets négatifs importants. Les futs luminaires devraient s’apparenter à ceux que l’on pourraient observer au début du siècle ( fonte, luminaires à globe posés sur branches multiples).

     

    2.2.5.7      Zone Pa 59-22 ( de la Gare )

     

    Les conclusions que j’ai formulées concernant la zone Hd 59-65 ( côte Bégin) s’appliquent intégralement à cette zone.

     

    L’ancien Bureau de poste

     

    C’est dans cette zone que se trouvait le premier Bureau de poste (officiel – cf. Laurier Avenue, p. 59 – Industrial District of Lévis – Annexe 3)  Cet édifice était d’une beauté architecturale spéciale. Il a été démoli parce que le besoin s’était fait sentir d’un bureau de poste plus vaste et aussi parce qu’au début des années 50’, il y avait nécessité de créer des places de stationnement dans le secteur dela Traverse. C’est la démolition de cet édifice qui a consacré la déchéance du secteur de la Traverse.

     

    Je considère que la reconstruction du Bureau de poste devrait être le projet collectif des Lévisiens. L’emplacement est au cœur de la Traverse et convient donc idéalement à l’implantation d’un centre récréo-touristique. La vocation du centre pourrait être complémentaire au Musée de la civilisation de Québec en ce qui concerne l’histoire des communications ( i.e. : Traverse, chemin de fer, chemins publics, etc. ) ou l’histoire de la rive droite du Saint-Laurent devant la ville de Québec.

     

    La gare de Lévis

     

    Je considère que la ville de Lévis doit prendre toutes les mesures pour conserver à la gare de Lévis son rôle d’escale pour le transport des voyageurs entre le centre du pays et les provinces maritimes. C’est le Transcontinental de VIA Rail qui traverse la ville de Lévis. Lorsque la Traverse de Lévis aura été rénovée et qu’un ou des hôtels convenables seront en opération, jamais les gens d’affaire de Lévis ne regretteront d’avoir conservé le lien ferroviaire. Les hôteliers pourront alors directement faire de la réclame à Montréal et proposer une arrivée directe à leur hôtel avec vue sur Québec. Montréal constitue un bassin de population de 3 millions de personnes. À mon avis, les rédacteurs des règlements ont manqué d’opportunisme économique. (…)

     

    2.3                  La Pointe-de-la-Martinière

     

    L’essentiel de mon point de vue sur la Pointe-de-la Martinière a été exposé publiquement à plusieurs reprises, notamment dans :

     

    -          Le Soleil, 12 octobre 1979, 21 ocotbre 1982 et 3 décembre 1983

    -          La Seigneurie de Lauzon, No 17, Printemps 1985

    -          Mémoire à l’occasion du Concours de la journée nationale du patrimoine  (Radio-Canada, Parcs Canada – Lauréat Y.-M. Roy – Cf. Annexe 7)

    -          Mémoire rédigé à l’occasion de la consultation publique sur le projet de Plan directeur d’aménagement de la bordure fluviale, ville de Lévis ( 5 février 1991)

    -          Opposition aux modifications de la zone agricole de la MRC Desjardins pour ce qui concerne les lots particuliers de la Pointe-de-la-Martinière (5 juin 1981

    -          Mémoire présenté concernant le projet de Plan d’urbanisme de Lévis (11 septembre 1991)

    -          Mémoire présenté le 6 novembre 1991 sur le projet de règlement R-050 de la MRC Desjardins.

     

    2.3.1 Les règlements d’ensemble

     

    Le projet de règlement relatif aux règlements d’ensemble prévoit la création de deux grandes zones à la Pointe-de-la-Martinière, soit la zone Hx 86-51 (Pointe-de-la-Martinière ouest) et la zone Hx 85-84 (Pointe-de-la-Martinière est). Ces deux zones forment ensemble plus de 135 hectares. Pour les deux zones, l’objectif est ‘’de créer un développement de prestige et satisfaire les besoins en logement et en bâtiments haut de gamme de faible et moyenne et faible densité’’.

     

    Je me suis toujours opposé à l’urbanisation de la partie agricole de la Pointe-de-la-Martinière pour des raisons historiques et environnementales.

     

    Les raisons historiques

     

    Le Domaine de  Beauport fut concédé en 1635. le Domaine de Beaupré, celui de l’île d’Orléans et celui de Lauzon (Pointe-Lévy) furent concédés en 1636. Le bassin de Québec est le berceau des Canadiens français. Il ne reste plus une terre agricole autour du bassin de Québec, sauf à la Pointe-de-la-Martinière. Il s’agit des terres de (Michel Lecours), Louis Brûlot, Jean Carrier et Laurent Poiré, contemporains de Guillaume Couture, fondateur de Pointe-Lévy en 1647.  (…)

     

     

    Les raisons environnementales

     

    En 1977, le ministère des Affaires culturelles du Québec a fait une évaluation du patrimoine (immobilier) de la Pointe-de-la-Martinière. La conclusion est que le patrimoine bâti est dans un ‘cadre environnemental incomparable’’. (…)

     

    Je maintiens encore qu’à la Pointe-de-la-Martinière, la ville de Lévis sacrifie la dernière image qui nous reste de la Pointe-Lévy à l’époque du régime français.

     

    Recommandation : Puisque la décision de la ville de Lévis apparaît irréversible, je demande :

     

    1)      qu’une percée visuelle soit absolument conservée sur la crête de la Pointe-de-la-Martinière, (les lot No 54, sommets des lots 52-4 et 50-4, paroisse St- Joseph). L’aménagement d’un belvédère assurera pour toujours la percée visuelle qu’avait signalée Philippe Aubert de Gaspé dans son roman Les Anciens Canadiens. La dénivellation est très forte à cet endroit, ce qui ne devrait pas compromettre démesurément les espaces prévues pour les promoteurs.

    2)      Qu’aucune construction ne soit permise à partir des deux phares de signalisation maritime (Transport Canada) en descendant jusqu’au fleuve. (…) J’ai la certitude que la collectivité de Lévis ne regrettera jamais d’avoir préservé cette partie de la bordure fluviale. Dans quelques générations, nos descendants auront peut-être le capital nécessaire pour entreprendre la reconstruction de ce (ancien) petit village des anciens de Pointe-Lévy.

    3)      Que des fouilles archéologiques soient entreprises pour localiser les bâtiments des anciens de Pointe-Lévy, sur le petit cap aux environs de l’ancienne propriété de Pierre-Georges Roy à la Pointe-de-la-Martinière.

     

    3. La Caisse populaire de Lévis, la spéculation et la construction immobilière

     

    La Caisse populaire de Lévis est une institution financière qui a fait preuve d’un dynamisme exceptionnel depuis sa fondation le 6 décembre 1900. Depuis quelques années, c’est à coup de millions que la Caisse intervient pour soutenir certains promoteurs immobiliers.

     

    La Caisse populaire de Lévis a un actif de 218 $ millions. Une somme de 187 $ millions est investie en prêts, dont 88$ millions à l’entreprise, 69$ millions à l’habitation et 28$ millions à la consommation. Par l’importance de ses investissements, la Caisse populaire de Lévis est aujourd’hui une entreprise financière des ligues majeures.

     

    Dans le secteur de la Traverse, la Caisse populaire de Lévis a financé la construction des immeubles Les Rives du Saint-Laurent. Depuis 5 ans, la Caisse a accordé près de 4$ millions en prêts hypothécaires dans trois autres zones du secteur, soit deux fois plus que le plus proche compétiteur, Trust général du Canada.

     

    Les liens entre la Caisse populaire de Lévis et la ville de Lévis sont bien tissés. Les administrateurs de la Caisse sont présents à des postes clés dans la vie municipale, que ce soit au niveau du conseil, du greffe ou de la vérification. Il y a apparence de lobby. Bref, le conseil d’administration de la Caisse populaire de Lévis est en mesure de savoir tout sur l’activité de la ville de Lévis. La situation serait-elle tolérée si un fort noyau d’administrateurs de Trust Général du Canada s’intéressait aussi activement à la vie municipale de Lévis ?

     

    Les fondateurs de la Caisse populaire de Lévis ont insisté dès le point de départ sur la nécessité de conduire les affaires de la Caisse en suivant scrupuleusement les règles de la morale. Je considère que les administrateurs de la Caisse ont pris de graves risques à ce sujet en occupant des fonctions auprès de la ville de Lévis.

     

    Résumé

     

    La ville de Lévis est une ville dont l’histoire n’est surpassée que par peu d’autres villes au Canada. Les troupes des nations françaises, anglaises, américaines et allemandes y ont séjourné. Des événements importants concernant l’histoire de l’Amérique s’y sont déroulés. Lévis a une histoire locale très originale. Le phénomène historique est doublé par l’excellence de l’environnement. Lévis possède à la fois une vue sur la plus belle ville de l’Amérique, soit Québec, et une autre sur un des plus beaux paysage de la vallée laurentienne, soit la chute de Montmorency, dans une perspective sur l’île d’Orléans et les Laurentides.

     

    Après étude des règlements concernant les quartiers historiques de Lévis, je suis d’avis que deux secteurs de la ville sont gravement menacés dans leur image traditionnelle, soit la Traverse et la Pointe-de-la-Martinière. Les effets négatifs des règlements affecteront également le caractère de la région de Québec puisque la Traverse tombe directement sous le regard du Château Frontenac situé à un kilomètre de l’autre côté du Saint-Laurent.

     

    Lévis a choisi d’utiliser une règle d’application stricte pour préserver le caractère du Vieux-Lauzon et celui du Vieux-Lévis, deux secteurs près des églises Saint-Joseph et Notre-Dame. J’ai identifié cette mesure comme étant une règle ‘’McDonald patrimoniale’’. Lévis force par l’effet des règlements douze cents petits propriétaires à respecter le caractère patrimonial de leur quartier.

     

    Lévis a choisi d’utiliser une règle d’application très libérale pour guider l’aménagement des secteurs patrimoniaux de la Traverse et de la Pointe-de-la-Martinière. J’ai identifié cette mesure comme étant une règle ‘’McDonald impériale’’. Lévis consent à ce qu’un ou deux grands promoteurs échappent à l’obligation de respecter le caractère patrimonial des lieux. Lévis adopte la règle de deux poids, deux mesures, ce qui à  mon avis est fondamentalement injuste et immoral. Le site A.C. Davie d’un potentiel exceptionnel sera écrasé par ‘’un balconville sur Saint-Laurent’’.

     

    En 1963, un promoteur industriel se présenta pour entreprendre la construction d’un complexe pétrolier à la Pointe-de-la-Martinière, un des sites les plus évocateurs de la vallée laurentienne. M. Alfred Rouleau, président d’Assurance-Vie Desjardins, monta aux barricades et contribua à repousser l’envahisseur. M. Rouleau demeurait dans le Vieux-Lévis et était très attaché au caractère traditionnel du quartier.

     

    En 1992, des promoteurs se sont avancés pour proposer des investissements dans les plus riches et les plus beaux secteurs de Lévis. Rusés, ils se sont fait financer par une institution prestigieuse du Mouvement Desjardins. À Lévis, les caisses de la Cité Desjardins exercent un pouvoir d’influence spécial. Personne au sein du Mouvement Desjardins ne s’est avancé pour défendre le patrimoine historique et environnemental de Lévis.

     

    Après analyse, je suis venu à la conclusion que les dés étaient pipés d’avance en faveur des promoteurs immobiliers. Je suis convaincu que dans le secteur de la Traverse, la Caisse populaire de Lévis a participé à une partie de Monopoly et que l’appui a été décisif pour placer le plus fort en situation de monopole.

     

    Conclusion

     

    La ville de Lévis manque gravement à ses obligations en présentant certains règlements d’urbanisme qui n’assurent pas la conservation et la mise en valeur de notre patrimoine commun. Dans le secteur de la Traverse, les interventions récentes avaient pourtant manqué à l’esprit de civisme. Ai lieu de proposer le ‘’pittoresque et payant’’, la ville de  Lévis propose le ‘’gigantesque et payant’’.

     

    Les règlements cherchent à satisfaire les appétits démesurés de personnes qui sollicitent des emprunts auprès des sections Prêts à l’habitation et au commerce des Caisses populaires de la Cité Desjardins.

     

    Pour le secteur de la Traverse, je demande à ce que les objectifs principaux pour toutes les zones tendent à la rénovation du secteur historique pour lui donner l’aspect qu’il avait à l’époque où a vécu Alphonse Desjardins. Je demande à ce que les critères d’évaluation soient modifiés en observant une règle de type ‘’McDonald Patrimoniale’’. En bref, tous les bâtiments devront avoir trois étages pour se rattacher à l’architecture locale du XIXe siècle, et le zonage devra consolider à la fois le potentiel du lien ferroviaire, celui de la Traverse et celui du chantier maritime A.C. Davie afin d’optimaliser le commerce qui prendra naissance sur les lieux.

     

    Pour le secteur de la Pointe-de-la-Martinière, les règlements devront prévoir, premièrement, un belvédère autour du lot 54 (la perspective Aubert de Gaspé), deuxièmement, une protection étendue des bâtiments patrimoniaux du Ruisseau Lallemand et troisièmement, une large bordure fluviale sous couverture végétale à partir des phares de signalisation maritime en descendant jusqu’au fleuve Saint-Laurent.

     

    C’est la seule façon, à mon avis, d’établir l’équilibre entre l’intérêt public et l’intérêt des promoteurs immobiliers. Parce que la ville de Lévis est une ville historique, le conseil de ville a une obligation de résultat dans la recherche de cet équilibre. C’est en observant scrupuleusement les principes adoptés jadis par Alphonse Desjardins et Pierre-Georges Roy que sera atteint le bien-être des citoyens de Lévis.

     

     

     

    Yvan-M. Roy         

    7 octobre 1992

      

    Mémoire - Vieux-Lévis - Plan d'urbanisme - 7 octobre 1992


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  • Extraits 

     

     Mémoire de Yvan-M. Roy présenté l’occasion des consultations publiques du 7 et 8 octobre 1992 sur les projets de règlement d’urbanisme de la ville de Lévis

     

    (Résumé  & Conclusion, pp. 26-28 ; Document original : 28 pages)

     

    Les principaux intervenants concernant les règlements ont été :

     

    -          Le Groupe Enviram ( M. Christian Côté)

    -         Le Comité consultatif d’urbanisme (Mme Francine Bégin et M. Gilles Lehouiller, conseillers)

    -          La direction générale du développement de Lévis (M. Robert Cooke)

    -          Le service d’urbanisme (M. Robert Martel)

    -          Flynn, Rivard avocats

     

     

    Résumé ( p.26)

     

     La ville de Lévis est une ville dont l’histoire n’est surpassée que par peu d’autres villes au Canada. Les troupes des nations françaises, anglaises, américaines et allemandes y ont séjourné. Des événements importants concernant l’histoire de l’Amérique s’y sont déroulés. Lévis a une histoire locale très originale. Le phénomène historique est doublé par l’excellence de l’environnement. Lévis possède à la fois une vue sur la plus belle ville de l’Amérique, soit Québec, et une autre sur un des plus beaux paysage de la vallée laurentienne, soit la chute de Montmorency, dans une perspective sur l’île d’Orléans et les Laurentides.

     

    Après étude des règlements concernant les quartiers historiques de Lévis, je suis d’avis que deux secteurs de la ville sont gravement menacés dans leur image traditionnelle, soit la Traverse et la Pointe-de-la-Martinière. Les effets négatifs des règlements affecteront également le caractère de la région de Québec puisque la Traverse tombe directement sous le regard du Château Frontenac situé à un kilomètre de l’autre côté du Saint-Laurent.

     

    Lévis a choisi d’utiliser une règle d’application stricte pour préserver le caractère du Vieux-Lauzon et celui du Vieux-Lévis, deux secteurs près des églises Saint-Joseph et Notre-Dame. J’ai identifié cette mesure comme étant une règle ‘’McDonald patrimoniale’’.* Lévis force par l’effet des règlements douze cents petits propriétaires à respecter le caractère patrimonial de leur quartier.

     

    Lévis a choisi d’utiliser une règle d’application très libérale pour guider l’aménagement des secteurs patrimoniaux de la Traverse et de la Pointe-de-la-Martinière. J’ai identifié cette mesure comme étant une règle ‘’McDonald impériale’’*. Lévis consent à ce qu’un ou deux grands promoteurs échappent à l’obligation de respecter le caractère patrimonial des lieux. Lévis adopte la règle de deux poids, deux mesures, ce qui à  mon avis est fondamentalement injuste et immoral. Le site A.C. Davie, d’un potentiel exceptionnel, sera écrasé par ‘’un balconville sur Saint-Laurent’’.

     

    En 1963, un promoteur industriel se présenta pour entreprendre la construction d’un complexe pétrolier à la Pointe-de-la-Martinière, un des sites les plus évocateurs de la vallée laurentienne. M. Alfred Rouleau, président d’Assurance-Vie Desjardins, monta aux barricades et contribua à faire abandonner le projet. M. Rouleau demeurait dans le Vieux-Lévis et était très attaché au caractère traditionnel du quartier.

     

    En 1992, des promoteurs se sont avancés pour proposer des investissements dans les plus riches et les plus beaux secteurs de Lévis. Rusés, ils se sont fait financer par une institution prestigieuse du Mouvement Desjardins. À Lévis, les caisses de la Cité Desjardins exercent un pouvoir d’influence spécial. Personne au sein du Mouvement Desjardins ne s’est avancé pour défendre le patrimoine historique et environnemental de Lévis.

     

    Après analyse, je suis venu à la conclusion que les dés étaient pipés d’avance en faveur des promoteurs immobiliers. Je suis convaincu que dans le secteur de la Traverse, la Caisse populaire de Lévis a participé à une partie de Monopoly et que l’appui a été décisif pour placer le plus fort en situation de monopole.

     

    Conclusion  ( p. 28)

     

    La ville de Lévis manque gravement à ses obligations en présentant certains règlements d’urbanisme qui n’assurent pas la conservation et la mise en valeur de notre patrimoine commun. Dans le secteur de la Traverse, les interventions récentes avaient pourtant manqué à l’esprit de civisme. Ai lieu de proposer le ‘’pittoresque et payant’’, la ville de  Lévis propose le ‘’gigantesque et payant’’.

     

    Les règlements cherchent à satisfaire les appétits démesurés de personnes qui sollicitent des emprunts auprès des sections Prêts à l’habitation et au commerce des Caisses populaires de la Cité Desjardins.

     

    Pour le secteur de la Traverse, je demande à ce que les objectifs principaux pour toutes les zones tendent à la rénovation du secteur historique pour lui donner l’aspect qu’il avait à l’époque où a vécu Alphonse Desjardins. Je demande à ce que les critères d’évaluation soient modifiés en observant une règle de type ‘’McDonald patrimoniale’’.* En bref, tous les bâtiments devront avoir trois étages pour se rattacher à l’architecture locale du XIXe siècle, et le zonage devra consolider à la fois le potentiel du lien ferroviaire, celui de la Traverse et celui du chantier maritime A.C. Davie afin d’optimaliser le commerce qui prendra naissance sur les lieux.

     

    Pour le secteur de la Pointe-de-la-Martinière, les règlements devront prévoir, premièrement, un belvédère autour du lot 54 (la perspective Aubert de Gaspé), deuxièmement, une protection étendue des bâtiments patrimoniaux du Ruisseau Lallemand et troisièmement, une large bordure fluviale sous couverture végétale à partir des phares de signalisation maritime en descendant jusqu’au fleuve Saint-Laurent.

     

    C’est la seule façon, à mon avis, d’établir l’équilibre entre l’intérêt public et l’intérêt des promoteurs immobiliers. Parce que la ville de Lévis est une ville historique, le conseil de ville a une obligation de résultat dans la recherche de cet équilibre. C’est en observant scrupuleusement les principes adoptés jadis par Alphonse Desjardins et Pierre-Georges Roy que sera atteint le bien-être des citoyens de Lévis.

     

    Yvan-M. Roy

    7 octobre 1992

     

    *  McDonald présente une architecture très différente en milieux traditionnels, telles à Freeport, ME, et rue Saint-Jean, à Québec.

      

    Tag: Lévis, urbanisme, Vieux-Lévis, Traverse


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  • Extrait du mémoire présenté par Yvan-M. Roy le 5 février 1991 dans le cadre de la consultation sur le Projet de Plan d’aménagement de la bordure fluviale de la ville de Lévis. ( p. 14)

     

    Pour le secteur de la Traverse, Enviram propose deux concepts qui comportent chacun une structuration du milieu avec un accueil dans l’édifice de la gare et un élément moteur d’envergure tel un complexe hôtelier et une grande place multifonctionnelle en plein air.

     

    Dans le cas du concept 1 de mise en valeur, l’élément moteur de l’intervention sera l’implantation d’un complexe hôtelier d’envergure (100 à 150 chambres), localisé sur le quai Paquet à l’est de la gare…

     

    Dans le cas du concept 2, l’élément moteur demeure toujours un complexe hôtelier, mais le nombre de chambres est pratiquement doublé ( 200 à 300 chambres), et le nombre d’étages est porté de 7 à 9 étages….

     

    …J’estime que la Ville de Lévis ne devrait aucunement suivre une recommandation ayant pour effet de permettre des immobilisations autres que celles du type qui existaient dans le secteur de la Traverse au 19e siècle. Je considère qu’avec une solide analyse, la firme Enviram ne pouvait arriver à d’autre proposition que la rénovation intégrale de ce quartier historique pour lui donner le caractère qu’il avait au 19e siècle. C’est ce qui aurait du être proposé comme moteur d’envergure.

     

    En proposant l’érection d’immeubles de 6 à 9 étages, Enviram agit comme si elle souhaitait l’explosion du quartier. Le conseil de la Ville de Lévis doit réagir négativement au gigantisme pour éviter à tout prix qu’un immeuble comme Les Terrasses du Vieux-Port (de Québec) ne se retrouve à proximité de la gare de Lévis.

     

    Je souhaite que la Ville de Lévis prenne des mesures énergiques pour que le secteur de la Traverse soit rénové en fonction du siècle ou vécurent les hommes célèbres de Lévis, tels A.C. Davie, Edouard Baron, Thomas Dunn, Charles-William Carrier, Alphonse Desjardins et Joseph-Elzéar Bernier.

     

    À mon avis, le secteur de la Traverse doit retrouver son âme en fonction de thèmes comme la construction de navires à voiles, le commerce, la navigation dans le grand nord, la technologie du 19e siècle, l’activité ferroviaire. Pourquoi ne pas avoir songé à la reconstruction de l’Hôtel Lauzon, le rendez-vous de la belle jeunesse de Québec entre les années 1829 et 1850 ?

     

    Les visiteurs étrangers nous observent à notre insu et se demandent parfois à quel gaspillage nous nous livrons. Dans la Trace du Serpent, best seller du New York Times en 1979 pendant 3 mois, l’auteur américain Thomas Thompson écrit :

     

    ‘’Le visiteur nouvellement arrivé à Lévis aurait pu croire qu’un urbaniste dément avait été déraciner ce qu’il y avait de pire sur le continent américain pour le greffer sur cet emplacement historique’’( p. 151, Presses Sélect, Montréal 1980)

     

    ANNEXE (mémoire du  5 février 1991, Y.-M. Roy):

     

    La fonction hôtelière au pied de la falaise de Lévis

     

    Tiré de la Gazette de Québec du 22 février 1804 ( Histoire de la Seigneurie de Lauzon, Vol 4, p. 63)

     

    ‘’A louer une grande maison à la Pointe-Lévy, près de la Traverse, ci-devant la propriété de Louis Filion, aubergiste. Le concours immense de personnes tant de la ville de Québec que de toutes les paroisses du sud rend cette place une des plus lucratives pour toutes les branches du commerce qu’on peut y faire et pour traiter et loger les voyageurs. Cour, étable, jardin, verger, puits avec pompe, S’adresser sur les lieux a Vve Jean Dubuc.’’

     

    Fonction hôtelière  dépendant de l’opération du traversier.

     

    Tiré de la Gazette de Québec du 11 mai 1818 ( Histoire de la Seigneurie de Lauzon - vol 4, p. 61)

     

    ‘’La barque à vapeur Lauzon a commencé lundi dernier à aller comme bateau de traverse entre Québec et la pointe-Lévi. Il a fait un vent d’est violent qui a duré toute la matinée et auquel elle a résisté avec beaucoup d’aisance et de sureté, elle met de 9 à  15 minutes à faire la traverse suivant la résistance qu’offrent le vent et la marée, et demeure une demi-heure de chaque côté.

     

    Fonction hôtelière dépendant de la clientèle anglaise de Québec.

     

    Tiré de l’Histoire de la Seigneurie de Lauzon (Vol 4, p. 98-99)

     

    Les citadins de Québec n’avaient pas l’habitude, alors comme aujourd’hui ( en 1898), d’aller passer la belle saison aux places d’eau du Saint-Laurent inférieur….John Caldwell songea à construire un grand hôtel, près de l’endroit ou venait accoster son bateau à vapeur le Lauzon. Et comme chez lui, il n’y avait pas loin de l’idée à son exécution, il jeta en 1818, les fondations d’un grand édifice de 69 pieds de long sur 49 de profondeur, à trois étages, avec une terrasse dont la vue donnait sur le fleuve. Cet hôtel, bien emménagé, servi avec luxe, eût de suite une grande vogue. C’est ainsi que John Caldwell fut le premier promoteur de ces grands caravansérails que l’on rencontre maintenant un peu partout dans tous les endroits de villégiature un peu cossus…Cet hôtel, dont une partie fut incendiée il y a quelques années, existe encore. Il sert d’entrepôt aux usines métallurgiques de Carrier, Lainé et cie. La colonnade qui orne la façade extérieure est la même que celle de 1818.

     

    Un hôtel de style supérieur et des cottages pittoresques au pied de la falaise

     

    Tiré de l’Histoire de la Seigneurie de Lauzon (Vol 4, p. 117-118)

     

    - (Joseph) Bouchette, qui en donne une courte description dans son Dictionnaire topographique, nous dit qu’en 1832, elle (Aubigny) contenait à peine de 40 50 maisons. ‘’Les rues sont bien tracées, ajoute-t-il, les lots à bâtir sont divisés bien régulièrement et de grandeur suffisante, mais la place n’a augmenté ni en maison ni en population comme on s’y attendait, et cela est dû principalement aux prix élevé que l’on demande pour les terrains’’. Cependant, le géographe se déclare enchanté de tout ce qu’il a vu de la petite ville, ‘’ dont le site très élevé domine un escarpement du Saint-Laurent et est couronné par les hauteurs sur lesquels les Américains érigèrent des batteries pour bombarder Québec ‘’. ..Il nous montre, blottie au pied de la falaise, toute une rangée de jolis cottages, près d’un hôtel conduit par un M. Mackenzie, en un style supérieur. ‘’Là, les citoyens de Québec ont leur résidence. Ils y viennent jouir des plaisirs de la campagne, et cela très commodément vu qu’ils n’ont qu’une traversée de quinze minutes à faire.’’.


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  • Par Yvan-M. Roy

    Le Soleil, mardi le 14 juillet 1987

     

    ( Lettre adressée à M. le maire Vincent Chagnon et aux conseillers municipaux de la ville de Lévis et celle de Québec relativement aux projets immobiliers Rives du Saint-Laurent et Quai d’Orsay.)

     

    Ayant dû quitter la ville de Lévis il y a bientôt 15 ans, j’ai quand même conservé de nombreux liens économiques et familiaux avec des Lévisiens. Il m’a été ainsi plus facile, au cours des années, de suivre le développement de la ville. Je suis en mesure d’établir certaines comparaisons et je puis affirmer que plusieurs villes du Québec envient la saine gestion financière de Lévis.

     

    Lors d’une visite récente, quelqu’un m’a parlé des développements résidentiels futurs dans l’ancien quartier industriel et portuaire de la basse-ville. À prime abord, l’idée m’a souri, et j’ai cherché à évaluer, dans le domaine de ma spécialité, les impacts qu’auront les projets immobiliers Rives du Saint-Laurent et Quai d’Orsay sur l’image traditionnelle de Lévis et sur celle de Québec.

     

    La proximité du fleuve et la présence, sur la rive opposée, du Château Frontenac, de la Citadelle, ainsi que de la vieille ville fortifiée ont attiré sur les rives de Lévis des promoteurs audacieux qui entendent tirer le maximum de profits à partir d’une valeur patrimoniale, dont la réputation ne cesse de grandir au point de vue mondial.

     

    Dans cette entreprise, il n’y aura pas de cadeau pour personne, et les logements se vendront en moyenne 110 000 $. Chaque étage construit coûtera près de 2 000 000 $. Plus il y aura d’étages, plus il y aura de profits, plus les recettes foncières de la ville de Lévis seront importantes. Pourquoi alors s’inquiéter ?

     

    Avant que les projets Rives du Saint-Laurent et Quai d’Orsay ne soient coulés dans le béton, il faudrait peut-être trouver des réponses à certaines questions.

     

    Quelle contribution ces édifices imposants apporteront-ils finalement à l’image traditionnelle de notre région, à celle qui fait marcher notre tourisme ? Est-ce que les constructions projetées viendront renforcer notre image de marque ?

     

    Si la réponse est positive pour ces deux questions, les membres du conseil de ville de Lévis se doivent de voir à maximiser l’importance des deux projets. Si la réponse est négative, les membres devront passer la réglementation nécessaire pour situer les projets en harmonie avec le cadre environnemental de Lévis et avec celui de Québec. Après tout, c’est la richesse du patrimoine de Québec qui a donné naissance à ces projets.

     

    Il est donc possible de constater qu’à des considérations purement économiques s’ajoute également une question d’éthique. Comment est-il possible de se prononcer sur la hauteur, la taille et l’apparence des édifices projetés, en respectant le concept de la libre entreprise et en gardant comme objectif final le respect des valeurs fondamentales qui font la richesse de notre vie régionale ?

     

    Voilà une question que les membres du conseil de Lévis devront trancher avec courage et sagesse.

     

    En soulevant ces quelques points, j’espère convaincre les autorités de la ville de Lévis de l’importance qu’il y a de considérer l’aspect patrimonial dans la décision relative aux projets Rives du Saint-Laurent et Quay d’Orsay.

     

    Pour ma part, je considère que les projets actuels, tels que les journaux nous les ont présentés, manquent de modération et qu’ils s’intègrent mal, à cause de leur modernisme, dans le cadre traditionnel de Lévis et dans celui de Québec.

     

     (Copie de l’article a été déposée le 22 juin 2010 dans le cadre de l’assemblée préliminaire de consultation tenue par la ville de Lévis concernant le projet de développement Espace Saint-Louis, contigü aux Halles Notre-Dame et au Manège militaire de Lévis)

    (Lecture des paragraphes 6 et 7 devant le conseil de ville lors de l'assemblée du 20 juin 2011 avant la demande d'un moratoire sur la démolition et la reconstruction dans le Vieux-Lévis)


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  • Par Yvan-M. Roy

    Le Soleil, 22 avril 1988

     

    Les membres de la Commission d’urbanisme et de conservation de la ville de Québec devaient certainement être frappés d’amnésie lorsqu’ils ont pris la décision d’accorder le Prix spécial de la Commission à la Société immobilière du Québec pour son rôle de maître d’œuvre dans le parachèvement de l’édifice abritant le Musée de la civilisation. La remise du prix a eu lieu le jeudi 31 mars, à l’hôtel de ville de Québec, dans une cérémonie sous la présidence du maire Jean Pelletier.

     

    Le Petit Larousse donne au verbe « parachever » le sens suivant : mener à son complet achèvement avec un soin particulier. Les membres de la Commission ont déjà oublié avec quel soin la Société immobilière a fait son entrée sur le chantier. Elle s’est occupée d’une façon très particulière de la conservation de notre patrimoine.

     

    Le 10 octobre 1984, le ministre des Affaires culturelles du Québec, M. Clément  Richard, et son collègue responsable de la Société immobilière du Québec, M. Alain Marcoux, annoncèrent le début des travaux du Musée de la civilisation, le tout devant se dérouler dans le respect du patrimoine bâti.

     

    L’autorisation du ministre Richard stipulait que les voûtes et le rez-de-chaussée de la maison Pagé-Quercy devaient être conservées et intégrés au Musée comme élément didactique. Le 7 novembre 1984,  les lecteurs du journal Le SOLEIL étaient informés qu’avait eu lieu, le samedi précédent, la démolition scandaleuse de la maison Pagé-Quercy, et ce à l’encontre des directives ministérielles.

     

    Dans les jours qui suivirent, Le SOLEIL publia plusieurs lettres de lecteurs qui dénonçaient unanimement l’acte de vandalisme. Le journal titra : « Un saccage qui était prévisible », « L’incurie du Québec en matière de patrimoine », « La culture au temps du bulldozer », « Le musée de la démolition ».

     

    Parce qu’elle se rendait compte que la Société immobilière gérait mal le chantier, la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec a demandé au premier ministre René Lévesque de retirer à la Société immobilière la gestion du chantier. Le photographe du SOLEIL s’est même fait expulser du chantier parce qu’il prenait des photos des vestiges du régime français que les travaux d’excavation venaient de mettre à jour.

     

    L’éditorialiste Jacques Dumais déplora ainsi la mauvaise gestion de la Société immobilière : « Cet incident ne redore pas le blason d’un Québec d’ores et déjà sous-développé quant au patrimoine archéologique. Il est pour le moins cynique, en effet, de voir surgir un « Musée de la civilisation » sur un emplacement où l’on fait table rase des éléments réels de cette même civilisation. Combien d’autres vestiges subiront encore l’épreuve du pic et de la pelle avant la fin des travaux ? »

     

    Le rapport sur la surveillance et le sauvetage des vestiges archéologiques au Musée de la civilisation à Québec (1986) fait état d’embarcations anciennes originant du régime français qui ont été en partie ou en totalité détruites par l’excavatrice de la Société immobilière du Québec.

     

    Le chargé de projet de la Société immobilière a montré en 1984 à toute la province comment il fallait s’y prendre pour mettre le ministre des Affaires culturelles du Québec dans « sa petite poche d’en arrière ». Il suffisait d’agir le samedi, quand tous les bureaux gouvernementaux sont fermés. Le maire de Montmagny a suivi la recette de la Société immobilière en faisant procéder à la démolition d’un couvent qui jouissait pourtant de la protection de la Loi sur les biens culturels.

     

    En accordant son Prix spécial à la Société immobilière du Québec, la Commission d’urbanisme et de conservation de la ville de Québec se trouve à récompenser  un mandataire de l’État qui s’est montré irrespectueux de nos lois et de nos institutions, qui s’est montré insouciant et irresponsable vis-à-vis des éléments patrimoniaux qui se trouvaient dans son champ d’intervention, qui a donné le mauvais exemple à tous les maîtres d’œuvre du Québec. La Commission encourage ainsi l’anarchie.

     

    Ce Prix spécial accordé à la Société immobilière du Québec ne redore pas le blason de la ville de Québec. La ville du Patrimoine mondial devrait savoir qu’il est illogique d’accorder un prix de conservation aux responsables d’actes de vandalisme. La Société immobilière doit rendre le Prix spécial parce qu’elle n’y a pas droit.


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