• (4) MÉMOIRE - POINTE DE LA MARTINIÈRE - Plan d'urbanisme Lévis - 6 NOVEMBRE 1991

    (EXTRAITS du mémoire déposé le 6 novembre 1991 lors de la consultation sur le Plan d'urbanisme de Lévis)

      

    Par Yvan-M. Roy

     

    Introduction 

     

    Je suis originaire de Lévis. Je m’intéresse depuis plusieurs années à la mise en valeur du patrimoine naturel et historique de Lévis. À cet effet, mes contributions principales ont été la réalisation en 1984 de 14 excursions le long de la bordure fluviale de Lévis avec le train à vapeur du gouvernement canadien et la publication en 1985 dans le Bulletin de la Société d’histoire régionale de Lévis (La Seigneurie de Lauzon) d’un article de fond sur l’histoire de la Pointe-de-la-Martinière.

     

    J’ai observé et analysé les faits qui ont été avancés pour justifier l’affectation « réserve urbaine » quant au territoire de la Pointe-de-la-Martinière et ceux pour justifier l’extension du « pôle industriel » jusqu’au plateau de Ville-Guay. Mes conclusions sont que les affectations proposées ne reposent pas sur des études objectives. Les affectations proposées ne tiennent pas compte du caractère exceptionnel des lieux, tant au point de vue naturel que du point de vue historique. Les affectations auront des effets positifs immédiats sur l’actif des grands propriétaires terriens. Les affectations auront des effets externes négatifs importants sur les perspectives du tourisme local et régional.

     

    Comme conséquence, les Lévisiens et les visiteurs étrangers seront non seulement privés d’un site exceptionnel, mais également ils perdront une des meilleures percées visuelles disponible du côté droit de la vallée laurentienne.

     

    La valeur naturelle et patrimoniale de secteur de la Pointe-de-la-Martinière sera banalisée par l’implantation d’un quartier résidentiel juxtaposé à un parc industriel à grand gabarit.

     

    3. Lévis et la sauvegarde de son patrimoine historique

     

    Il y a douze ans, Thomas Thompson, un journaliste américain, vint à Lévis pour se documenter dans le but d’écrire un roman. Le journaliste fut scandalisé de ce qu’il constata. Ainsi s’exprima-t-il dans son roman La Trace du Serpent :

     

    « Le visiteur nouvellement arrivé à Lévis aurait pu croire qu’un urbaniste dément avait été déraciner ce qu’il y avait de pire sur le continent américain pour le greffer sur cet emplacement historique ».

     

    J’ai voulu savoir si le jugement avait des fondements. J’ai trouvé des faits troublants soutenant cette accusation.

     

    3.1 Le cas de l’historien Joseph-Edmond Roy

     

    Alors qu’il était maire de Lévis, Joseph-Edmond Roy entreprit en 1897 de publier l’Histoire de la Seigneurie de Lauzon. Il faut comprendre que la réception des deux premiers tomes ne fut pas excellente car l’auteur décida de présenter le troisième tome en citant ainsi Montaigne :

     

    « Souvienne-vous de celuy à qui, comme on demanda à quoy faire il se peinoit si fort en un art qui ne pouvait venir à la connaissance de guère de gens, ‘’J’en ai assez de peu, répondit-il. J’en ai assez d’un. J’en ai pas assez d’un’’ » H.S.L. t.3, p.4.

     

    3.2 Le cas de Pierre-Georges Roy

     

    Joseph-Edmond Roy décéda en 1913 et son frère Pierre-Georges continua l’œuvre historique. En 1947, après avoir consacré 60 ans de sa vie à mettre en valeur notre histoire locale et nationale, dans une  lettre au sénateur Cyrille Vaillancourt, Pierre-Georges Roy déplora l’indifférence des institutions lévisiennes envers le patrimoine historique de leur ville :

     

    « J’ai publié à date plus de 300 volumes ou brochures. Ni le Collège, ni la Commission scolaire n’ont jamais acheté un seul volume de moi. Les Dates Lévisiennes m’ont demandé 30 ans de travail et j’ai donné tout mon travail aux éditeurs pour absolument rien. »                (P.-G. Roy, 20 juin 1947)

     

    Il y a deux semaines, M. Hugo Bernier, un citoyen de Lévis est venu raconter, à l’occasion de l’annonce concernant le choix de la chapelle du Collège de Lévis comme bibliothèque municipale, comment dans sa jeunesse il avait été témoin d’un événement disgracieux concernant l’héritage de Pierre-Georges Roy. L’historien avait offert gratuitement sa bibliothèque personnelle à la ville à la condition que la ville puisse la conserver afin de la mettre plus tard à la disposition de la population. La bibliothèque contenait plus de mille volumes dont certains avaient une valeur inestimable. Le Conseil de ville se déchira et l’ignorance l’emporta sur la culture. Le fonds Pierre-Georges Roy échappa ainsi à la ville de Lévis.

     

     

    Conclusion :

     

    La ville de Lévis a un passé peu flatteur concernant la reconnaissance et la mise en valeur de son patrimoine. La ville a même déjà refusé le fonds Pierre-Georges Roy pour des motifs reposant sur l’ignorance et l’insouciance. Aujourd’hui, nous sommes en droit de nous attendre à ce que la ville de Lévis accorde un grand respect envers nos valeurs fondamentales.

     

    Malheureusement, la ville de Lévis se contente de rapports quasi-frauduleux pour établir les fondements de son plan d’urbanisme. En acceptant la demande de la ville de Lévis d’affecter la Pointe-de-la-Martinière comme « réserve urbaine », la MRC Desjardins permettra de déchirer la page où sont inscrits trois siècles de notre histoire. Nous sommes en présence du visage de Lévis à l’époque du régime français. La MRC Desjardins peut-elle s’installer ainsi dans l’ignorance, l’insouciance et la mauvaise foi ?

     

    La MRC Desjardins doit agir dans l’intérêt public. L’intérêt public ne commande certainement pas de renoncer bêtement au caractère exceptionnel de la Pointe-de-la-Martinière. À mon avis, l’intérêt public indique qu’il faut demander à la Commission de protection du territoire agricole de réinclure les terres ancestrales de la Pointe-de-la-Martinière dans la zone agricole protégée.


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