• PRÉSERVER L'ENRIRONNEMENT DU FLEUVE (1986)

    PRÉSERVER L’ENVIRONNEMENT DU FLEUVE         (1986)

     

    Par Yvan-M. Roy

    Le Devoir, 9 septembre 1986

     

    Les citoyens de Portneuf et de Lotbinière mènent présentement une lutte contre Hydro-Québec pour préserver l’environnement du fleuve Saint-Laurent dans la région de Québec.

     

    En proposant d’ériger de gigantesques pylônes métalliques pour franchir le fleuve entre Portneuf et Lotbinière, Hydro-Québec s’attaque encore une fois à notre plus beau capital, le fleuve Saint-Laurent. La démarche a des précédents. Au nom de l’intérêt public, le Saguenay et l’île d’Orléans ont été victimes de véritables saccages. L’avenir économique du Québec était en jeu. Les décideurs n’avaient malheureusement pas le choix. Il fallait, coûte que coûte, faire passer les lignes en provenance de la Manicouagan et du Labrador.

     

    Aujourd’hui cependant, pour relier la Baie James aux États-Unis, il existe des alternatives au projet actuel. Toutefois, les administrateurs d’Hydro-Québec prennent leurs décisions dans une tour de béton au cœur de la ville de Montréal. Ils sont fidèles à leurs vieilles habitudes. Lorsqu’ils se prononcent sur l’intérêt public, ils se comportent comme s’ils étaient infaillibles. Ils agissent comme si leurs attributions dérivaient directement du Dieu Électricité, avec pouvoir de frapper comme la foudre, sans avertir et sans s’expliquer.

     

    Les citoyens de Portneuf et de Lotbinière se sont opposés avec vigueur au projet retenu par les administrateurs d’Hydro-Québec. Après avoir analysé les réactions et le comportement des deux parties, l’éditorialiste Vincent Cliche du journal Le Soleil s’est prononcé dans l’édition parue le 21 août dernier. Il a dénoncé la façon cavalière, adoptée par la société d’État, dans ses relations avec les citoyens, la méthode par laquelle l’information est livrée au compte-gouttes, le refus buté d’entreprendre une consultation valable au moyen d’audiences publiques et, finalement, le silence complice des autorités gouvernementales. Le lecteur ne peut que constater la mauvaise foi de la partie gouvernementale.

     

    Sur une distance de 15 kilomètres, les comtés de Portneuf et de Lotbinière se font face devant le fleuve Saint-Laurent. Jusqu’à aujourd’hui. Aucune ville d’importance n’est venue s’établir sur les terres riveraines. La fondation des villages remonte au régime français. L’architecture des maisons et des églises est remarquable. La qualité de vie des résidents est spéciale du fait que l’industrialisation et l’urbanisation ont pratiquement ignoré ces endroits de notre pays.

     

    La largeur du fleuve devant les comtés de Portneuf et de Lotbinière est de plus ou moins un kilomètre. Dans un tel décor patrimonial, l’escarpement  des rives permet à l’observateur qui se déplace en bicyclette ou en voiture de voir défiler le fleuve et le paysage laurentien. Ce cadre enchanteur se prolonge jusqu’à Québec où les grands hôtels de la ville, dont le Château Frontenac, en ont habilement exploité depuis longtemps les grandeurs. L’activité touristique dans la région est importante. La réputation internationale de Québec s’est bâtie à partir de l’exploitation des thèmes suivants : le panorama et l’histoire. L’industrie touristique génère un revenu annuel de  $500 millions pour la région. Des milliers d’emplois en dépendent.

     

    Les administrateurs de la société d’État avaient sous-évalué la réaction des citoyens de Portneuf et de Lotbinière. D’où l’embarras et le mutisme actuel de la société. Les citoyens prétendent avec énergie et conviction que le tracé le moins dommageable pour l’environnement est celui qui traverse le fleuve plus ou moins à l’ouest entre le comté de Champlain et Gentilly-Bécancour, un centre industrialo-portuaire en banlieue sud  des Trois-Rivières. Ils sont appuyés dans leurs démarches pars les producteurs agricoles de leurs comtés.

     

    Le ministre de l’Environnement, le ministre du Tourisme et le ministre des Affaires culturelles ont hérité de mandats spécifiques pour défendre certains biens concernant l’intérêt public. Ces biens ne doivent pas être automatiquement sacrifiés devant l’absolutisme des grands prêtres d’Électricité. Certes, il faut continuer à vendre notre énergie aux Américains tout en continuant de mettre en valeur nos terres agricoles. Mais notre société a également d’autres intérêts auxquels elle porte une attention spéciale. Parmi ces biens que les ministres précités doivent défendre figure le fleuve Saint-Laurent, particulièrement dans la région de Québec. Présentement, les apparences démontrent qu’Hydro-Québec a agi seule, sans consultation véritable. Le choix retenu semble arbitraire. Les décisions arbitraires sont contraires à nos traditions démocratiques. Elles sont la plupart du temps prises à l’encontre de l’intérêt public.

     

     

    P.s. (2011) : La détermination des citoyens de Portneuf et de Lotbinière eut raison de l’absolutisme des grands-prêtres d’Électricité.

     

    En 1988, Hydro-Québec entreprit la construction d’une ligne de transmission aérienne temporaire au dessus du fleuve entre Portneuf (Grondines) et Lotbinière. La construction des jetées nécessita 20 000 voyages de pierre par camions (400 000 tonnes). Une quarantaine de travailleurs spécialisés mirent 5 mois pour l’érection des tours. Au printemps suivant débuta la construction d’un tunnel sous-fluvial de 3 954 mètres. Le 1er novembre 1990, la ligne de transmission aérienne entra en service avec un taux de transmission de 1200 MW, porté à 2250 MW le 1er juillet suivant. En 1992, la ligne aérienne fut démantelée au coût de 16 millions CDN après la mise en service des câbles sous-fluviaux.  YMR


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