• Rabaska attaque le coeur de Québec

    (Suivi de "L'art de se tirer dans le pied" -Le Soleil, 8 décembre 2004)

    Yvan-M. Roy - Avocat, Québec 
    Le Devoir, 9 octobre 2007  Environnement 
     
     
    Le 30 mai 2007, le Bureau des audiences publiques sur l'environnement (BAPE) remettait son rapport sur le projet Rabaska d'un terminal méthanier à Lévis. Les conclusions sont regroupées en quatre thèmes: les questions énergétiques, les retombées économiques, la sécurité, l'insertion territoriale. Le présent commentaire porte sur ce dernier thème.

    Selon le BAPE «les installations portuaires et riveraines du projet constitueraient une altération de la qualité paysagère de la côte de Beaumont». Le BAPE a négligé de considérer les impacts sur le paysage traditionnel de Québec.



    Le projet Rabaska

    Dans le secteur est de Lévis, les promoteurs de Rabaska (Gaz Métro, Enbridge, Gaz de France) projettent de construire un quai, une usine de gazéification, deux réservoirs de stockage et une cheminée torchère de 60 m. Chaque réservoir de béton et d'acier aurait une hauteur de 46 m et un diamètre de 90 m. Les installations seront localisées près de l'autoroute Jean-Lesage (au kilomètre 333). Le promoteur a indiqué que la base des réservoirs sera déposée à 15 mètres sous le niveau du sol.

    La zone de perception visuelle potentielle que le promoteur a déclarée au BAPE couvre un territoire de 6 km autour des installations. Si le promoteur avait étendu la zone à 12 km, il aurait été obligé d'expliquer l'impact de ses installations sur le parc national (canadien) de Fort-Lévis et sur l'arrondissement historique de Québec (UNESCO). Québec possède une industrie touristique de classe internationale. L'industrie emploie des milliers de personnes. Les visiteurs laissent des centaines de millions dans l'économie locale.

    Dans son rapport, le BAPE mentionne brièvement les objections de «certains participants» ayant soutenu que «l'aire de visibilité est plus étendue et [que] l'analyse aurait dû inclure Québec et d'autres municipalités de la rive sud et de l'île d'Orléans».

    Le paysage de Québec

    Depuis très longtemps, l'industrie touristique de Québec exploite le paysage à des fins économiques. Les éléments du décor sont nombreux: les Laurentides, l'île d'Orléans, le fleuve Saint-Laurent, Lévis, les Appalaches. Les principaux points d'observation publics et privés sont bien connus: la terrasse Dufferin, la terrasse Grey, la Promenade des Gouverneurs, la rue des Remparts, la Citadelle, et les hôtels Château Frontenac, Concorde, Delta et Hilton. La portée du paysage s'étend sur plus de 50 km. Aux premières objections dénonçant la portée trop limitée de l'étude d'insertion, les commissaires du BAPE auraient dû immédiatement questionner le promoteur et demander pourquoi il avait exclu Québec de la zone de perception visuelle. Le BAPE s'est contenté de considérer uniquement les impacts sur l'île d'Orléans, Beaumont et Lévis, tous situés dans le rayon restrictif qu'avait déterminé le promoteur.

    Le Château Frontenac.

    Parmi les grands hôtels de Québec qui exploitent le paysage, le Château Frontenac se mérite une attention spéciale. Le Larousse 2007 présente Québec avec une photo accompagnée de la mention suivante: «Le Château Frontenac dominant le Saint-Laurent.» Sur Internet, la chaîne qui exploite l'hôtel de prestige en fait une description élogieuse: «Perché sur le cap Diamant, le Château Frontenac est la référence première, la signature architecturale centenaire de la ville de Québec.» Et encore: «Le Château Frontenac n'est pas seulement un grand hôtel situé au coeur de Québec, il est le coeur de Québec

    Le Château, qui longe la terrasse Dufferin, élève sa tour centrale à 142 m au-dessus du fleuve. Les meilleures chambres, situées aux quatre derniers étages, offrent une vue directe sur l'horizon de l'est. L'hôtel est d'un romantisme consommé. Le point fort est atteint en soirée tous les mois lorsque la lune se lève au dessus de Lévis. En 1911, un écrivain anglais a décrit le spectacle: «Ce que je vis de plus beau, ce fut la lune se lever derrière la pointe de Lévis. Cela commença à la hauteur des arbres et je crus tout d'abord qu'il s'agissait d'un feu de forêt. On ne voyait que du rouge-flamme qui s'étendait et s'étendait parmi les arbres. Soudain, cela se mua en une boule ronde d'un orangé brillant et alors je découvris qu'il s'agissait de la lune bien avant que tout en haut elle ne tournât à l'argenté et qu'elle ne vienne tracer un chemin étincelant à travers le fleuve.» (R.E. Vernède).

    En 1684, un compagnon de Frontenac écrivait: «La vue la plus belle et la plus étendue qui soit au monde.» (La Hontan). Les ruines du Château Saint-Louis où résidait Frontenac se trouvent sous la terrasse Dufferin.

    Une attaque au coeur de Québec

    Le projet Rabaska sera localisé 12 kilomètres à l'est de l'arrondissement historique de Québec. Entre le site et le cap Diamant se trouve le plateau de Lévis, dont l'élévation est de 120 m. La cheminée torchère atteindra 140 m. Ainsi, malgré le plateau de Lévis, les flammes de la cheminée de Rabaska vont tomber sous le regard des meilleures chambres des grands hôtels de Québec, en particulier celles au sommet de la tour centrale du Château Frontenac.

    La majorité des grands hôtels auront une vue sur les réservoirs. Le BAPE recommande le regroupement d'un parc industriel autour de l'usine. Aucun égard pour l'île d'Orléans proclamée comme le berceau de la Nouvelle-France. Rabaska s'ajoute à d'autres équipements lourds, au sud Ultramar (pétrole), à l'est Hydro-Québec (lignes 735 kv) et au nord Bunge (silos à grains), tous des éléments qui par leurs dimensions gigantesques ont dénaturé le paysage traditionnel de Québec. Sur la question d'insertion territoriale, les conclusions du BAPE sont faussées par des études qui ont ignoré la portée, la renommée et la valeur du paysage de Québec. Le projet Rabaska attaque directement le «coeur de Québec».

    Les dommages seront réels et sérieux. Qui voudra payer une prime pour voir la lune se lever au dessus d'une longue cheminée jetant ses flammes au milieu d'éclairs stroboscopiques? Rabaska, vraisemblablement, diminuera le rendement de l'industrie touristique locale et en particulier celui du Château Frontenac, dont nous sommes maintenant tous propriétaires par la Caisse de dépôt. Les gouvernements supérieurs ont l'obligation de préserver le caractère fondamental de Québec.

    Une décision finale est attendue bientôt. Le gouvernement du Québec et celui du Canada doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les entreprises et le travail des personnes qui assurent tant la prospérité de la Vieille Capitale que la projection de son image à travers le monde. Afin de ne pas dénaturer la région, les promoteurs de Rabaska devront investir pour enfouir les réservoirs et relocaliser la cheminée vers le sud. À défaut, ils devront trouver un autre emplacement.
      
    ET
      
    L'ART DE SE TIRER DANS LE PIED - Le Soleil, 8 décembre 2004 - Opinion
      
    Le projet de Gaz Métro pose une question majeure en matière d'aménagement. Québec est une destination touristique recherchée. L'impact sur l'image de Québec sera majeur. En 1684, le Baron de la Hontan et compagnon de Frontenac a écrit de Québec: "C'est d'ailleurs la vue la plus belle et la plus étendue qui soit au monde". En 1878, Lord Dufferin fit construire devant le fleuve et Lévis une terrasse pour observer le paysage. En 1953, le Canadien Pacifique misait sur les grands paysages du Saint-Laurent en proposant des croisières vers l'Europe à partir de Québec. En 2004, l'industrie des croisières a fait un pas de géant.
      
    À Québec, l'exploitation économique du paysage a réellement débuté en 1893 par la construction du Château Frontenac. L'aile Riverview et la tour centrale du Château sont tournées vers le paysage de l'est. La vue des meilleures chambres porte sur 50 kilomètres. Lévis se trouve à quelques kilomètres. Si Gaz Métro réalise son projet, les meilleures chambres du Château seront tournées vers les réservoirs de Gaz Métro. Les promoteurs ont indiqué que les immenses réservoirs auront une hauteur correspondant à un édifice de 15 étages. Le Château a 18 étages. L'impact des réservoirs sera contre-productif pour l'industrie touristique.
      
    La création d'emplois n'est pas suffisante pour excuser la dégradation des grands paysages. Québec possède un paysage exceptionnel et une ville fortifiée unique. L'industrie touristique génère des centaines de millions en revenus. C'est comme si les promoteurs industriels nous invitaient à nous "tirer dans le pied". Québec a été détruite en 1759 à partir de Lévis. Une fois c'est assez.
      
    Comme fiduciaire d'un héritage spécial, nos dirigeants doivent éviter l'insouciance et l'erreur de calcul. Ils doivent consolider et mettre en valeur ce qui fait le caractère particulier de la région de Québec. Les promoteurs de Gaz Métro doivent bien comprendre ce qui fait notre originalité, notre prospérité et notre bien-être.
      
    Yvan-M. Roy

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  • CANADA                                                                CONSEIL MUNICIPAL

    PROVINCE DE QUEBEC                                      ( En appel du comité de démolition)

    VILLE DE LÉVIS  

     

     

                                                                                      YVAN-M ROY

     

                                                                                      Appelant – Opposant

     

                                                                                      c.

                                                                                

     

                9094-2285 QUÉBEC INC.

                                                                          

                                                                                       Intimé - Demandeur,

     

    _________________________________________________________________

     

    Appel en vertu de l’article 148.0.19 de la Loi sur l’aménagement

    et l’urbanisme (LRQ, c A-19.1)

    __________________________________________________________________

     

     Note: Appel déposé le 13 décembre 2011; Audition le 21 février 2012; Décision le 2 avril 2012 (Rejet) rerpoduite ci-dessous, après la conclusion.

     

     

    DEVANT LES MEMBRES DU CONSEIL DE VILLE DE LÉVIS RÉUNIS EN SÉANCE, L’APPELANT EXPOSE CE QUI SUIT :

     

    L’appelant est un des quatre opposants à la demande présentée par  l’intimé – demandeur 9094-2285 QUÉBEC INC. devant le comité de démolition de la ville de Lévis, arrondissement Desjardins, ci-dessous, « le Comité » ;

     

    Le Comité est constitué par M. Simon Théberge, président, complété par  Mme Janet Jones et M.  Serge Côté, tous conseillers, le secrétaire étant M. Robert Martel;

     

    La demande a porté sur la démolition du bâtiment situé au numéro 35-37, côte du Passage, à Lévis, une maison à revenu dont la datation remonte à 1830 selon les fiches municipales;

     

    Le 9 octobre 2010, l’appelant avait fait parvenir une lettre d’opposition à la demande (Pièce O-1), et par la suite, a présenté par lettres des demandes le 16 septembre et le 11 octobre 2011 (Pièce O-2) pour obtenir des documents, dont le projet de remplacement et effectuer une visite de l’intérieur du bâtiment;

     

    Le Comité, après avoir  entendu les parties le 25 octobre 2011,  a rendu le 15 novembre suivant une décision qui faisait droit à la demande;

     

     

    L’appelant interjette appel de la décision parce que le Comité a fait défaut de répondre à des demandes essentielles qu’il avait faites pour la constitution de sa preuve, il empêché l’appelant de faire une preuve complète lors de l’audition, il a erré en écartant sommairement les preuves apportées par l’appelant, contrevenant ainsi à la Loi qui impose au Comité l’obligation de motiver sa décision (LAU, 148.0.18).

     

     

    A)    Avant l’audition du 25 octobre, le Comité a refusé de répondre à des demandes essentielles de l’appelant pour la constitution de sa preuve.

     

    L’appelant avait demandé à l’item 7 de sa lettre du 16 septembre 2011 (Pièce O-2) d’avoir accès à l’intérieur du bâtiment pour constater l’état des lieux; il était alors en apourparlers avec un constructeur d’expérience pour l’accompagner afin de rationaliser ses observations et parfaire sa preuve. 

     

    Le 27 septembre suivant, l’appelant  a été informé par lettre (Pièce O-3) que le Comité allait siéger le 25 octobre. La lettre était accompagnée de deux rapports d’expertise (Groupe conseil SID inc. et Régis Côté et associés). Il n’y avait pas de réponse à ma demande pour visiter l’intérieur du bâtiment.

     

    L’appelant n’a pu visiter les lieux, ce qu’il considérait essentiel, entre autres pour constater les transformations et les aménagements intérieurs.

     

    En conséquence, l’appelant n’a pu constater l’état des planchers, des moulures, des portes, du revêtement de gypse, des cuisines, des salles de bain, bref, de la qualité et de l’état des rénovations qui avaient été faites en 1986 suite à l’incendie. L’appelant n’a pu observer les panneaux du système électrique, la nature et l’âge des systèmes mécaniques, et évaluer la superficie habitable.  L’appelant n’a pu vérifier l’état des murs intérieurs, notamment la manière dont fut posée la laine minérale. L’appelant désirait apprécier l’usure après 25 ans d’occupation locative.

     

    L’appelant considère qu’il a été privé d’éléments essentiels dans la constitution de sa preuve. Le Comité a manqué à son devoir en ce qui concerne l’équité procédurale.

     

    B) Le  Comité a empêché l’appelant de faire une preuve complète à l’audition;

     

    Lors de l’audition le 25 octobre, l’appelant a présenté verbalement son opposition à partir d’un document qu’il a par la suite déposé (Pièce O-4) ainsi qu’une soumission pour le remplacement des ouvertures (Pièce O-5) dont le dépôt ne figure pas au procès-verbal.       

     

    En dépit des informations dont il avait été privé, l’appelant a présenté ses preuves et tiré 6 conclusions qui sont reproduites au procès-verbal de la réunion. La sixième conclusion avait comme titre « Objectivité, conflit d’intérêt, apparence de conflit d’intérêt ».

     

    Le président a interrompu et réprimandé l’appelant lorsqu’il a entrepris de démontrer que l’expert Daniel Bégin se trouvait en position de conflit d’intérêt parce que le registre des entreprises du Québec (Pièce O-6) fait mention que l’expert était actionnaire d’une entreprise, la Société en commandite Saint-Laurent, propriétaire de l’immeuble de l’ancien bureau de poste dans le Vieux-Lévis, laquelle société avait comme objet de faire « L’acquisition, la construction, la gestion et la vente d’immeubles de même que le prêt d’argent. »

     

    Le président a déclaré : «  M. Roy, vous êtes allé trop loin ».

     

    Le procès-verbal de l’audience (p. 6) rédigé par le secrétaire Roger Martel indique bien d’ailleurs ce reproche que le président adressa à l’appelant :

     

    « Le président souligne son agacement à l’égard des prétentions de conflit d’intérêt ou d’apparence de conflit d’intérêt reproché à l’architecte mandaté, Monsieur Daniel Bégin et demande à Monsieur Roy de poursuivre en abrégeant son intervention. »

     

    M. Bégin était présent dans la salle. Devant la gravité de la question, il aurait été du devoir du président d’interroger M. Bégin à ce sujet, et de voir comment celui-ci pouvait donner la garantie de son objectivité dans les circonstances, ce que le président n’a pas fait. Il a choisi de protéger le mandataire de la ville aux dépens de la bonne administration de la justice.

     

    D’autre part, lorsqu’il fut interrompu par le président, l’appelant s’apprêtait à rappeler un incident survenu le 22 juin 2010 lors d’une séance de consultation concernant le projet d’un immeuble de 7 étages (150 condominiums - 40 000 000$) sur la rue Saint-Louis, à Lévis. M. Simon Théberge présidait l’assemblée, accompagné de Mme Julie Tremblay, directrice adjointe à l’urbanisme. M. Daniel Bégin, à titre privé,  s’était présenté au micro et, avant d’indiquer son approbation du projet, avait déclaré que  les opposants l’ayant précédé avaient tenu  des « propos démagogiques ».  M. Bégin était alors propriétaire d’un vaste immeuble commercial situé à 13, rue Saint Louis, à 50 mètres du site prévu pour le nouveau projet.

     

    M. Bégin avait un droit strict d’appuyer le projet parce que ses investissements allaient profiter de la densification du Vieux-Lévis. Cependant, la preuve que je voulais déposer visait à éclairer les membres du Comité sur le fait que le mandataire de la ville n’avait pas toute l’objectivité nécessaire pour agir dans le cadre de la présente demande à cause de l’apparence d’un conflit d’intérêt dont la source était les opérations commerciales et financières qu’il exerçait dans le Vieux-Lévis parallèlement à l’exercice de sa profession d’architecte.

     

    Nous sommes en présence d’un forum qui a toute l’apparence d’un tribunal quasi-judiciaire. L’appelant était partie dans un litige dont les règles sont celles du régime contradictoire. Le législateur a imposé au Comité l’obligation de motiver sa décision. Cette dernière est susceptible d’appel.  L’appelant avait le droit strict de soulever toute question pour questionner la crédibilité de l’expert  mandaté par la ville.

     

    En privant l’appelant de présenter une preuve complète,  le président a agi comme s’il voulait priver les autres membres du comité d’une information capitale. Le président fait une erreur de procédure pleine de gravité et qui a des conséquences sérieuses sur les fondements de la décision.

     

    B)    Le Comité n’a pas motivé sa décision comme la loi oblige ( LAU 148.0.18) 

     

    Bien que le procès-verbal de la réunion rapporte les interventions des quatre opposants, la décision est silencieuse sur le nom de ces derniers, sur les raisonnements dans l’appréciation de leurs preuves, soit testimoniales, soit écrites, sur les motifs du rejet de ces preuves.

     

     Le Comité n’a pas expliqué pourquoi il avait rejeté les preuves que l’appelant avait déposé verbalement et par écrit et qui portaient sur des erreurs graves et sérieuses relevées dans le rapport Régis Côté et Associés, commandé par la ville de Lévis, et signé par les experts Daniel Bégin, architecte, et André Lapointe, ingénieur.

     

    Le Comité s’est contenté de sommairement d’indiquer son rejet dans ce bref paragraphe :

     

    « Les coûts de restauration et de rénovation expertisés apparaissent excessifs pour le maintien du bâtiment, même amputé d’un étage, surtout lorsque ces coûts sont mis en relation avec la valeur du bâtiment telle qu’inscrite au rôle d’évaluation municipale. Les membres du comité ne remettent pas en doute ni les estimations des experts ni leur intégrité professionnelle. Aucune expertise additionnelle ne sera demandée à cet égard. » (Décision, p. 4)

     

     

    i) Les systèmes : Dans sa deuxième conclusion (Pièce O-4, p.2), l’appelant a signalé que le rapport Régis Côté avait conclu dans la facilité. D’abord, les experts déclarent qu’ils n’avaient pas le mandat de faire d’expertise sur l’état des systèmes mécaniques et électriques (plomberie, électricité, ventilation).

     

    À l’exception de quelques photos et remarques concernant le vide sanitaire, il n’est fait aucunement mention de malfaçons concernant les systèmes mécaniques et électrique.

     

    Il n’y a aucune photographie illustrant le caractère, la vétusté ou l’état possible d’insalubrité des pièces principales des loyers, comme cuisines, salles de bain, séjour, corridors, portes, fenêtres, des panneaux électriques, etc.

     

    Il n’y a dans le rapport Régis Côté aucune preuve documentaire illustrant la « piètre qualité des travaux exécutés à  l’époque »  ou de la « valeur nulle » des systèmes et aménagements existants; il s’agit d’une conclusion tirée sur une  impression, non sur une méthode scientifique reposant sur le processus d’enquête et d’analyse.

     

    Le Comité n’a pas donné à l’appelant la possibilité de faire les constats lui-même. Le comité a ainsi manqué au principe de l’équité procédurale.

     

    L’appelant a soutenu que les experts s’étaient prononcés sur les aménagements sans en avoir fait l’enquête complète, d’avoir tiré des conclusions sommaires sur les systèmes mécaniques et électriques en l’absence de mandat. La décision demeure muette sur la contre-preuve que l’appelant avait présentée. Il y a absence de motivation de la décision, en contradiction avec l’obligation faite dans la Loi sur l’urbanisme

     

    ii) La description du bâtiment

     

    La décision ne tient pas compte des commentaires de l’ingénieur André Lapointe qui a fait l’enquête sur la structure du bâtiment :

     

    «  L’expertise sur le 35/37, côte du Passage montre que le bâtiment présente une structure architecturale et une intégrité des composantes de l’enveloppe (étanchéité des murs, de la fenestration et de la toiture) qui assurent la viabilité de la structure à moyen et à long terme. » (Rapport Régis Côté, p. 22, cité dans la pièce O-4, p. 3)

     

    Cette affirmation est une preuve solide apportée par l’ingénieur Lapointe  venant contredire les affirmations de l’architecte Bégin sur « la piètre qualité des travaux exécutés à l’époque ».

     

    Dans l’Évaluation de l’immeuble visé (Décision p.3), le Comité fait preuve de partialité en ne faisant voir qu’un seul côté de la médaille, celui qui favorise la démolition :

     

    « L’État de l’immeuble visé est déficient à plusieurs égards et permet difficilement une remise en valeur à  caractère patrimonial et encore moins la restauration intégrale du bâtiment avant incendie… »

     

    Le Comité a également manqué de vigilance dans son étude du rapport Régis Côté. Les constats principaux sont présentés en page 7 et 8 de ce rapport (Pièce O-7). En page 7, on constate une coupe schématique des murs de brique avec indication de la présence sur la face intérieure d’isolation (laine minérale) et de feuilles de gypse.

     

    Le problème qui se pose est le suivant : En page 20, le rapport reproduit une photographie du mur de gypse qui a été découpée pour laisser voir le mur de brique derrière l’isolant. Sur la gauche, l’on peut voir un montant de charpente claire,  le mur de brique, de la laine minérale déplacée, et sur le coin inférieur droit, un bout de pare-vapeur déchiré. Suit en encadré la mention suivante : « L’isolation contre le mur extérieur n’est pas fixée, elle ne compte pas non plus de pare-vapeur.

     

        Rien n’est plus faux. La vérité se trouve ci-dessous :

     

    Lors de la visite effectuée par MM. Bégin et Lapointe, le 6 juillet 2011, une personne a découpé le gypse près d’un montant de charpente. Il a alors trouvé broché à la charpente un pare-vapeur derrière lequel était collée de la laine minérale (laine en rouleau). Cette personne a alors déchiré le pare-vapeur et a poussé la laine minérale vers la droite pour exposer le mur de brique. C’est alors que la photographie a été prise.

     

    La photographie prouve donc qu’il y avait donc de la laine minérale fixée aux montants de la charpente par l’intermédiaire du pare-vapeur, partout sur les murs intérieurs des deux étages du bâtiment. Elle prouve le contraire de ce qui est affirmé dans l’encadrement sur la droite.

     

    Il s’agit d’une erreur majeure qui a échappé à l’observation des membres du comité. 

     

    C’est cette représentation trompeuse figurant au bas de la page 20 du Rapport Régis Côté que les experts ont utilisée comme transition pour introduire en haut de la page 21 la conclusion qui allait justifier la démolition:  

     

    « Les travaux de réhabilitation après l’incendie datent de plus de 25 ans et compte tenu de la piètre qualité des travaux exécutés à l’époque… »

     

    L’appelant avait rappelé dans sa troisième conclusion que l’expert Lapointe avait écrit « la rénovation de 1986 ait été faite correctement pour protéger la structure de l’immeuble et redresser la structure des vieux planchers » ( Pièce O-4, p. 3).

     

    L’appelant a établi une forte présomption que le restant de l’habitacle avait été l’objet d’une attention tout autant particulière. Le Comité n’a pas motivé pourquoi il avait rejeté la contre preuve de l’appelant à cet égard.

     

    iii) La mise en valeur

     

    L’appelant avait établi dans son mémoire  une présomption à l’effet que la plomberie et l’électricité avaient été refaits à neuf en 1986 et que la structure intermédiaire des planchers était correcte. 

     

    Dans la décision, le comité devait dire pourquoi il acceptait la conclusion du rapport Régis Côté en dépit de la question suivante posée par l’appelant :

     

    « Pourquoi donc alors recommander la démolition des parties fonctionnelles de l’édifice qui ont été observées comme stables et adéquates? »

     

    Dans ses observations, l’appelant avait soutenu que le rapport avait erré grossièrement dans la méthode utilisée pour l’étape du curetage des murs de brique extérieurs. Les experts ont utilisé comme base de calcul la superficie des planchers intérieurs au lieu d’utiliser la surface des murs extérieurs. Une erreur excessivement gênante.

     

    L’appelant avait également signalé que le prix de 20 $ ne correspondait pas aux travaux nécessités pour le curetage parce que l’expert en structure avait indiqué à la page 10 du rapport : « Les linteaux structuraux au dessus des ouvertures dans la maçonnerie ne présentent pas de signes de défaillance apparents » et « La maçonnerie extérieure en brique peinte ne présente pas de déficience majeure ».

     

    L’appelant avait obtenu d’un constructeur d’expérience que la rénovation d’un tel bâtiment, incluant la fenestration, devrait coûter la moitié d’une construction neuve, soit entre 125 000 et 150 000 $, et non pas 337 200 $. L’appelant avait déposé une soumission de Vitrerie Lévis indiquant que pour un montant de 33 334 $, pose et taxes comprises,  il était possible de procéder à un remplacement de toutes les ouvertures avec des fenêtres et portes patrimoniales de qualité supérieure (Pièce O-5), ce qui aurait permis à des frais raisonnables de redonner à l’édifice une grande partie de sa valeur originale perdue.

     

    Devant ces faits troublants, l’appelant est surpris de constater le rejet de toute sa preuve par cette phrase laconique apparaissant dans la décision (p. 4) :

     

    « Les membres du comité ne remettent pas en doute ni les estimations des experts ni leur intégrité professionnelle. »

     

    L’appelant fait remarquer qu’il ne remet pas en cause l’intégrité professionnelle des experts, mais seulement la qualité douteuse et médiocre de leur expertise. Il déplore que le Comité n’ait pas expliqué le rejet de ses preuves comme le demandait la loi.

     

     

    iv) Interprétation erronée du mandat relativement à l’aspect mise en valeur

     

    La firme Régis Côté avait reçu mandat de procéder à «  L’évaluation du coût du mise en valeur du bâtiment. »(p,3) Le mandat n’imposait pas le cadre d’une rénovation, toujours très dispendieuse.  Les prix de l’architecte (p.21) sont pour des travaux de restauration avec un grand « R ». Il aurait été plus utile au Comité d’avoir un éclairage présentant toutes les options disponibles au propriétaire : soit rénovation, soit restauration, ou mixte (intérieur/extérieur). L’architecte n’a pas exécuté fidèlement son mandat parce qu’il n’a présenté qu’une option, la plus dispendieuse, celle d’une restauration.

     

    Enfin, l’expert semble confondre les termes « rénovation » et « restauration » lorsqu’il affirme au dernier paragraphe de la conclusion : « Toutefois, la piètre qualité des travaux de restauration tant sur le plan technique que architectural implique des interventions radicales… »  Il est une évidence indéniable que les travaux à la suite de l’incendie de 1986 avait été ceux d’une rénovation sans prétention.

       

    v) Le projet de remplacement

     

    Le comité n’a pas permis à l’appelant d’avoir en main une copie du plan de remplacement avant l’audience. Le plan présenté à l’audition était incomplet de l’aveu même de l’architecte du demandeur.

     

     

     

     

    CONCLUSION :

     

    CONSIDÉRANT QUE le Comité de démolition a manqué à son devoir d’apporter l’aide nécessaire à l’appelant dans l’élaboration de sa preuve;

    CONSIDÉRANT QUE le Comité a empêché l’appelant de faire une preuve complète lors de l’audition du 25 octobre 2011;

    CONSIDÉRANT QUE le Comité na pas eu l’éclairage voulu pour prendre une décision éclairée respectant les critères de la loi et ceux de la réglementation.

    CONSIDÉRANT QUE le Comité de démolition a manqué sérieusement à ses obligations dans la rédaction des motifs de la décision;

    CONSIDÉRANT QUE   l’expert Daniel Bégin n’avait pas l’objectivité nécessaire pour conseiller la ville de Lévis dans le cadre de la demande, ce qui s’est reflété dans les conclusions;

    CONSIDÉRANT QUE les remarques fausses concernant l’isolation des murs ont entaché sérieusement les conclusions du rapport d’expertise Régis Coté en ce qui concerne l’évaluation des coûts pour la mise en valeur du bâtiment ;

    CONSIDÉRANT QUE l’expert André Lapointe a trouvé que le bâtiment présente une stabilité structurale et une intégrité des composantes assurant la viabilité de la structure à long terme;

    CONSIDÉRANT QUE la partie concernant les coûts de mise en valeur du rapport Régis Côté aurait dû être rejetée et nécessiter une expertise additionnelle;

    CONSIDÉRANT QUE l’appelant avait fait la preuve que l’immeuble pouvait être rénové pour un montant inférieur à 150 000 $.

    CONSIDÉRANT QUE Le conseil peut confirmer la décision du comité ou rendre toute décision que celui-ci aurait dû prendre. (LAU, 148.0.20) 

     

     

     

    POUR CES MOTIFS,  PLAISE AU CONSEIL :

     

     

    INFIRMER la décision du Comité de démolition concernant la demande de l’intimé  9094-2285 QUÉBEC INC. et REFUSER l’autorisation pour la démolition du bâtiment à l’adresse 35-37, côte du Passage, à Lévis; 

     

     

    SUBSIDIAIREMENT

     

    INFIRMER la décision du Comité de démolition,  RENVOYER la demande devant le Comité de démolition avec l’instruction de rendre une décision après avoir obtenu et considéré une contre-expertise comprenant divers scénarios pour l’établissement des coûts de mise en valeur du bâtiment locatif 35-37, côte du Passage, dont un scénario comportant la conservation des murs,  plafonds, divisions et planchers intérieurs.

     

     

     

     

    Et foi de quoi j’ai signé à Lévis,

    ce  13e jour de décembre 2011

     

     

     

    __________________________

    Yvan-M. Roy, appelant-opposant

    22, côte du Passage, Lévis

     

     

     

    Procès-verbal de la séance ordinaire du 2 avril 2012, ville de Lévis

     

     

     CV-2012-02-84

     

     

     

    Décision dans le cadre de l’appel de la décision du comité de démolition d’immeubles autorisant la démolition du bâtiment situé au 35-37, côte du Passage (secteur Lévis)

     

    Réf. : AGR-2012-003, AGR-2012-006 et URBA-PSU-2012-005

     

     

     

     

     

    ATTENDU la décision du comité de démolition d’immeubles autorisant la démolition du bâtiment situé au 35-37, côte du Passage (secteur Lévis), rendue le 15 novembre 2011 ;

     

     

    ATTENDU l’audition tenue par le conseil de la Ville le 21 février 2012 dans le cadre de l’appel de cette décision ;

     

     

    ATTENDU les délibérations tenues par les membres du conseil de la Ville à la suite de cette audition ;

     

     

    ATTENDU le bien-fondé des motifs qui sous-tendent la décision du comité de démolition d’immeubles ;

     

    En conséquence,

     

     

    Il est proposé par le conseiller Jean-Luc Daigle

    Appuyé par la conseillère Anne Ladouceur

     

     

     

     

    De confirmer la décision du comité de démolition d’immeubles rendue le 15 novembre 2011 autorisant la démolition du bâtiment situé au 35-37, côte du Passage (secteur Lévis), pour les mêmes motifs et aux mêmes conditions invoquées au soutien de la décision de ce comité.

     

    Adoptée à l’unanimité

     

    Post-scriptum (YMR) 17.07.2012 : Le lecteur constatera que le conseil de Lévis n'a pas motivé sa décision. La loi sur l'aménagement et l'urbanisme  fait une obligation de dire pourquoi les preuves de l'appelant n'avaient pas été retenues, ce que le conseil a négligé de faire.

     

     


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  • Lévis, le 15 juillet 2010

     

     

    Mme Julie Tremblay, directrice adjointe

    Urbanisme et arrondissements

    Ville de Lévis

    996. rue de la Concorde

    G6W 5M6

     

    Objet : Pré-consultation, Ilot Saint-Louis

    ___________________________

     

     

    Madame,

     

    La présente a pour objet de compléter mes observations suite à la soirée de pré-consultation publique du 22 juin dernier concernant le projet du promoteur Pierre Trottier, à l’îlot Saint-Louis, dans l’arrondissement Desjardins.

     

    Résumé de mon intervention lors de la soirée :

     

    À l’ilot Saint-Louis, il y a trois considérations majeures que la ville de Lévis doit envisager :

     

    -          l’intérêt du demandeur de permis

    -          l’intérêt des finances de la ville

    -          l’intérêt public indiquant préservation du Vieux-Lévis 

     

    La question que j’ai soulevée lors de la réunion est une reprise de l’interrogation que j’avais posée dans Le Soleil du 14 juillet 1987 concernant l’insertion d’immeubles à grand gabarit à la Traverse, un des principaux secteurs du Vieux-Lévis :             ‘’Comment est-il possible de se prononcer sur la hauteur, la taille et l’apparence des édifices projetés, en respectant le concept de la libre entreprise et en gardant comme objectif final le respect des valeurs fondamentales qui font la richesse de notre vie régionale ?’’

     

    Le pour et le contre

    Le positif du projet Trottier est une valorisation de l’îlot Saint-Louis par l’ajout de commerces de proximité et par un apport important en termes de logements. Le négatif est que la hauteur, la taille et l’apparence attaquent le caractère fondamental du Vieux-Lévis.

     

    Traitement équitable, justice et équité

    Les promoteurs intéressés au développement dans le Vieux-Lévis doivent être soumis au même traitement que les particuliers qui présentent une demande un permis pour leurs résidences. C’est une question de justice et d’équité.

     

    Personnellement, depuis 5 ans, j’ai présenté deux permis pour la rénovation d’autant de résidences, l’une rue Wolfe, l’autre Côte-du-Passage. Dans les deux cas, les interventions extérieures devaient strictement être en conformité du caractère patrimonial des immeubles environnants. Dans le premier cas, j’ai du faire valoir mon projet devant le comité consultatif, dans le second, je me suis engagé par écrit à rénover la fenestration et la toiture en respectant le plan soumis par l’architecte de la ville.

     

     

     

     

    Conclusion :

     

    Afin d’assurer la préservation du caractère patrimonial du Vieux-Lévis, le service d’urbanisme de la ville doit :

     

    PROPOSER au conseil un moratoire jusqu’à l’adoption d’un plan particulier d’urbanisme (PPU) pour le secteur du Vieux-Lévis afin que les promoteurs puissent connaître clairement les ‘’tenants et aboutissants’’ de ce secteur hautement patrimonial et pour que cesse le régime du ‘’cas par cas’’.

     

    À DEFAUT,    1) maintenir le statuquo actuel de 4 étages inscrit dans la réglementation;

     

    2) limiter chacun des bâtiments nouveaux à la taille des Halles Notre-Dame et du Manège militaire;

     

    2) accorder des permis pour la construction d’immeubles qui par leur architecture, matériaux et apparence viendront renforcer le caractère des Halles Notre-Dame et du Manège militaire. Modèles d’intégration à suivre, le gymnase du Couvent Marcelle Mallet, à éviter, le gymnase du Collège de Lévis. À considérer :  l’hôtel Saint-Antoine dans le Vieux-Port de Québec .

     

     

    Je suis le dossier de l’aménagement et de l’urbanisme à Lévis depuis plus de 40 ans. Je vous prie de considérer la présente comme une opinion basée sur le respect et la mise en valeur du quartier patrimonial Vieux-Lévis.

     

    En vous remerciant de votre attention, je vous prie d’agréer l’expression de mes sentiments les meilleurs,

     

      

    Yvan-M. Roy, avocat à la retraite

     

    P.s. : Transmis électroniquement

     


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  • Par Yvan Roy

    Le Soleil, 9 avril 1964

    Note: Premier article de l'auteur alors agé de 17 ans. Publié en plein coeur de la Révolution tranquille, l'auteur invite l'honorable Jean Lesage à créer une loterie provinciale afin de financer la mission sociale de l'État. LOTO-QUÉBEC fut créée en 1969 sous l'hon Jean-Jacques Bertrand. En 2010, LOTO-QUEBEC a célébré son 40e anniversaire en déclarant un bénéfice net de $1,3 milliards sur un revenu de $ 3,8 milliards.

     Cher monsieur,

    Dernièrement, on pouvait constater la chance de plusieurs canadiens qui ont encaissé $ 1 020,000 grâce à des billets de la loterie irlandaise. Une fois de plus, M. l'Éditeur, je veux m'objecter comme nombre d'autres à la circulation de tels billets en territoire canadien. Ce n'est pas parce que j'envie ceux qui ont gagné que je vous écris, mais plutôt que je voudrais instruire mes concitoyens sur une injustice grave, évidente qui pourrait être rémédiée par nos politiciens.

    L'injustice dont je fais mention ici, c'est le départ pour l'étranger d'une somme considérable de dollars canadiens dont nous ne reverrons jamais la couleur. En plus, nous n'en verrons jamais les bénéfices.

    La Loterie Nationale Irlandaise est en soi une oeuvre de charité qui ne peut que procurer un énorme bien à nos chers frères d'outre-mer. En effet, nous leur procurons des services médicaux, nous leur construisons des hôpitaux. Cependant, ici au Canada, nous ne pouvons profiter de notre argent dépensé à cette oeuvre.

    Tandis que les Irlandais dépensent quelques dollars, soit pour gagner le gros lot, soit pour recevoir les services des hôpitaux, nous Canadiens ne retirons qu'une part du gros lot, et ne recevons rien des hopitaux.

    Qu'attendent donc nos politiciens pour remédier à cela et protéger nos intérêts ?

    Deux solutions se présentent: Soit empêcher formellement la circulation de tels billets (ce qui est sensé se faire présentement), soit établir une telle loterie, à l'échelle provinciale ou nationale.

    Les avantages retirés seraient ceci: le dollar canadien resterait en territoire canadien et plusieurs problèmes comme l'éducation, les hôpitaux seraient subventionnés grandement.

    À monsieur le premier ministre l'hon. Jean Lesage, qui sûrement s'intéresse à l'opinion de ses électeurs, je suggère d'en discuter avec le fédéral et les provinces. Je suis sûr que l'hon Lesage serait intéressé à une loterie provinciale étant donné les énormes dépenses occasionnées par l'institution de la gratuité au stage "scolaire"  et "médical".

    Pour terminer, je dirai que la création d'une loterie chez nous empêcherait notre dollar de s'envoler outre frontière et qu'il serait ainsi le gage d'une sécurité sociale en plus d'être profitable à ceux qui aiment la fortune rapide.

    Au plaisir de constater bientôt une telle réalisation.

    Yvan Roy, 101 Wolfe, Lévis.

     


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  • L’ÉPARGNE OUVRIÈRE À LÉVIS AVANT 1900, ET LES PIONNIERS OUBLIÉS DE NOTRE HISTOIRE ÉCONOMIQUE

      Par Yvan-M. Roy       (La Seigneurie de Lauzon, No 98, Été 2005)

     Nous avons déjà présenté l’histoire de quelques anciennes sociétés mutuelles1 qui offraient aux ouvriers de Lévis des secours en cas d’accident, de maladie ou de décès. Notre projet serait incomplet sans présenter une histoire de l’épargne ouvrière dans la ville qui a vu naître la première société coopérative d’épargne et de crédit en sol nord-américain. L’article qui suit précise quand, comment et par qui l’épargne ouvrière a débuté à Lévis. On y découvre le « chaînon manquant » qui nous rattache aux pionniers canadiens de l’épargne ouvrière.

     Au début, la société « Aide-toi, le ciel t’aidera » 

     C’est bien en 1900 à Lévis que la coopération en tant que principe d’entraide a pris racine en Amérique du Nord. Toutefois, l’idée d’entraide n’était pas nouvelle. À Montréal, en 1834, l’éditeur Ludger Duvernay avait fondé une association du nom de société « Aide-toi, le ciel t’aidera ». La principale réalisation de cette société fut d’organiser la première fête de la Saint-Jean-Baptiste avec l’objet de regrouper les Canadiens d’origine française autour d’objectifs communs. Les troubles politiques de 1837-38 au Bas-Canada mirent un frein aux activités de la jeune société. Comme l’élite de Montréal s’était compromise dans la rébellion, le mouvement fut relancé à Québec en 1842 alors qu’un groupe de citoyens « bien en vue » prit la relève pour célébrer la Saint-Jean. L’année suivante, Montréal reprenait les célébrations. Le petit peuple « sans histoire » relevait la tête.

     La Caisse d’épargne de Québec et les épargnes du pauvre ouvrier 

     À ses débuts, la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec comptait le docteur Olivier Robitaille comme secrétaire-trésorier. Le 21 mai 1848, Robitaille et quelques amis2 de la Société Saint-Vincent-de-Paul fondèrent la Caisse d’épargne de Notre-Dame de Québec. De 1849 à 1855, Robitaille présida la caisse et François Vézina3, jeune comptable de Québec, fut secrétaire-trésorier. Le but de la caisse était la création d’ « un établissement de bienfaisance destiné à recevoir les épargnes du pauvre ouvrier et à développer chez les classes laborieuses le goût de l’économie. »4 En 1855, Caisse d’épargne fut incorporée sous le nom Caisse d’économie de Notre-Dame de Québec. Robitaille et Vézina furent continués dans leurs fonctions. 

    La Société de construction de Québec 

    D’autre part, Olivier Robitaille occupait depuis 1849 la vice-présidence de la Société de construction de Québec, une société d’épargne et de prêt immobilier. En 1852, François Vézina recommanda la création d’une nouvelle entreprise sous le nom de Société de construction permanente de Québec. Contrairement à la première société, la seconde offrait à ses actionnaires une vie corporative à durée indéterminée.

    La Banque Nationale 

    De par ses statuts, la Caisse d’économie de Notre-Dame ne pouvait répondre aux besoins des affaires. Un groupe d’hommes influents forma alors le projet d’une banque pour répondre aux besoins du commerce et de l’industrie. En 1860 le groupe fonda la Banque Nationale qui débuta ses opérations5 présidée par Oliver Robitaille et dirigée par François Vézina.6 Le lecteur aura remarqué que François Vézina était le gestionnaire principal des trois institutions que le peuple de Québec s’était données pour venir en aide aux pauvres, aux ouvriers, aux commerçants et industriels francophones. En 2002, l’historien Serge Goudreault écrit : « François Vézina participe donc à toutes les luttes pour doter le milieu d’affaires francophone de la ville de Québec d’institutions indispensables à sa progression. »7

     Le Saint-Laurent et les épargnes du pauvre, du riche et de l’ouvrier aisé 

    Avec l’arrivée du chemin de fer en 1854, Lévis était devenu un important centre d’immigration, de commerce et d’industrie. Toutefois, il n’y avait là à cette époque aucun comptoir bancaire. La population était captive des institutions situées à Québec et la classe des commerçants et industriels devait traverser le Saint-Laurent pour bénéficier des services financiers. Les principales banques de Québec étaient sous le contrôle du capital anglo-saxon.

    Dans l’édition du Canadien du 16 mars 1853, un citoyen de Lévis8 avait pour la première fois réclamé un comptoir bancaire. En 1858, Léon Roy, notaire à Lévis, prit l’initiative de faire circuler et transmettre à la Caisse d’Économie de Québec une requête signée par « les bons citoyens de Lévis ». On y demandait l’établissement d’une succursale à Lévis. La réponse9 de la Caisse d’économie parvint au notaire Roy sous la plume de François Vézina :

    Caisse d’économie de Notre-Dame de Québec,  8 septembre 1858

    Léon Roy, écuyer, N.P. , Notre-Dame de Lévis

    Monsieur,

    La requête de Monsieur Déziel et autres, au sujet d’une succursale de  la Caisse D'économie dans votre paroisse a été soumise devant le Bureau des Directeurs. Messieurs les Directeurs me prient de vous transmettre leurs sincères remerciements.

    Ils eussent été heureux de faire un nouvel effort de philanthropie dans votre paroisse pour y propager l'esprit de prévoyance et d'économie, mais ayant des doutes sur la légalité pour eux, d'établir une succursale, ils regrettent infiniment d'être forcés de décliner votre demande.   

    Ils ne voient qu’un moyen de faire réussir votre profit, et voici comment :

     M. le curé et quelques autres personnes avec lui pourraient se rendre responsables envers les déposants, et la Caisse d’Économie pourrait recevoir de ces Messieurs, et en leurs noms toutes sommes qui seraient apportées, et pour lesquelles la Caisse allouerait le plus d’intérêt possible.

     La responsabilité que ces messieurs prendraient ne serait pas bien grande, vu que vous avez l’intention de ne prendre que des petits dépôts des pauvres : le riche ou l’ouvrier aisé pouvant toujours traverser le fleuve pour se rendre à la Caisse d’économie.

     J’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre humble serviteur.

    F. Vézina, sec.-trés.             C.E.N.D.

    Nouvelle demande 

     Ce n’était évidemment pas la réponse attendue. Le 1er mai 186410, les citoyens revinrent à la charge, curé Déziel en tête, en demandant aux conseillers de Lévis d’autoriser Léon Roy, secrétaire-trésorier de la ville, à ouvrir une caisse d’économie « pour favoriser la classe ouvrière ».11 La requête n’eut pas de suite, toujours encore vraisemblablement pour des raisons de légalité. Les ouvriers de Lévis continuèrent alors à pratiquer l’épargne « du bas de laine ».

     La Caisse d'économie de Notre-Dame et les petites économies du travailleur de Lévis 

     Finalement, le 18 mai 1868, la Caisse d’économie de Notre-Dame de Québec ouvrit une succursale à Lévis. Lors du discours d’ouverture, le caissier (directeur) François Vézina décrivit la nature et les buts de la caisse, ainsi que les bénéfices que le modeste travailleur pouvait espérer en déposant des économies à l’institution financière :

     « Ces caisses d’épargnes ne sont pas, à proprement parler, des institutions de crédit; elles n’ont pas mission de fournir un capital à ceux qui en sont momentanément privés, mais bien de faciliter l’accumulation du travail, d’encourager l’économie, de réunir les plus petites épargnes pour les transformer en un capital productif. Tout travailleur, si modeste que soit la rémunération de ses efforts, peut et doit même aux prix de certaines privations, mettre en réserve, une fois ou autre, une partie de ses profits afin de se former un fonds auquel il puisse recourir en cas de chômage, d’accident ou de maladie…elles (les caisses d’épargnes) recueillent ces petites économies du travailleur qui accumulées avec celles de beaucoup d’autres, forment un grand capital qui profite avantageusement pour le déposant et augmente ainsi ses moyens d’existence…Telle est l’action de la Caisse d’économie de Notre Dame de Québec, fondée en (21) mai 1848. »12 

     La Société de construction permanente de Lévis 

     L’année suivante, le 27 avril 1869, Léon Roy fondait la Société de construction permanente de Lévis sur le modèle de la Société de construction permanente de Québec. La moitié des 141 actionnaires fondateurs était des ouvriers exerçant dans une trentaine de métiers.13 Le projet collectif d’épargne visait un objectif de 76 800$, un montant actualisé à 4,5 millions en dollars 2005.

     En moins de 10 ans, la société de construction devint le principal prêteur immobilier de Lévis. Au cours des ans, des centaines d’ouvriers apprirent les vertus de l’épargne et purent se bâtir maisons grâce aux prêts de la société. En 1879, l’actif était de 128 000 $14, un montant qui permettait la construction ou le financement d’environ 150 maisons d’ouvriers.

     La Caisse d’économie de Québec affichait en 1876 un actif de 3 000 000 $, soit près de 175 000 000 $ en dollars courants. Les fonds que la Caisse d’économie récoltait à Lévis n’étaient pas systématiquement réinvestis localement. Les épargnes déposées à la Société de construction permanente de Lévis profitaient directement à la communauté de Lévis. C’était l’application stricte du principe de l’épargne locale (ouvrière) mise au profit des intérêts (ouvriers) locaux.

     Léon Roy et les premiers visionnaires du Québec moderne 

      À l’époque où il étudiait le droit chez le notaire Joseph Laurin15 de Québec, Léon Roy était membre de la Caisse d’économie de Saint-Roch. En 1850, son nom figure comme membre fondateur de la Société de construction de Québec16. C’est là qu’il fit probablement la connaissance de François Vézina. Léon Roy fut admis au notariat en mai 1852. En 1853, en ouvrant son étude à Lévis, le jeune notaire s’engagea dans le développement de la communauté où il occupa les fonctions suivantes : secrétaire de la municipalité scolaire d’Aubigny (1854), premier secrétaire-trésorier de Lévis (paroisse-1855), premier secrétaire de la conférence Saint-Vincent-de-Paul (1856), premier secrétaire-trésorier de Lévis (ville-1861). Lorsqu’en 1869 il fonda la Société de construction permanente de Lévis, Léon Roy y transportait l’esprit d’entraide et d’initiative des visionnaires de Montréal et de Québec, les Duvernay, Laurin, Robitaille et Vézina. L’histoire a pratiquement oublié ces piliers de notre organisation économique.

     Le chaînon manquant qui rattache la Caisse populaire de Lévis à la Caisse d'épargne de Notre-Dame de Québec

     En 1870, Léon Roy engagea Théophile Carrier, jeune diplômé du cours commercial du Collège de Lévis, pour tenir la comptabilité de la Société de construction permanente de Lévis. En décembre 1886, Roy étant décédé, Carrier succéda comme secrétaire-trésorier.17 En 1889, Alphonse Desjardins devint actionnaire et administrateur de la Société de construction permanente de Lévis. En 1896, Desjardins quitta la société après avoir essuyé deux échecs aux élections du conseil.18 Nés à Lévis tous deux en 1854 à un mois d’intervalle, Desjardins et Carrier s’étaient côtoyés sur les bancs de l’école primaire et ceux du cours commercial au collège local.

     Le 6 décembre 1900, en étant le premier civil à signer les statuts de la Caisse populaire de Lévis, Théophile Carrier acceptait de mettre ses 30 années d’expérience du milieu bancaire au profit de la première société coopérative d’épargne et de crédit du continent nord-américain. Dans les temps héroïques (1901-1906) de la première caisse, Carrier fut gérant substitut lors des absences prolongées de M. Desjardins, supervisant ainsi le travail de l’unique employée, Dorimène Desjardins. De 1902 à 1932, il siégea à la présidence de la commission de crédit.

     Bref, le grand mérite de Théophile Carrier est d’avoir accepté de mettre la connaissance et l’expérience qu’il avait de l’épargne ouvrière au service d’un projet aux aspects tout à fait révolutionnaires. Pour cette raison, nous considérons que Théophile Carrier est ce « chaînon manquant » qui rattache Alphonse Desjardins aux piliers oubliés de l’épargne ouvrière en milieu francophone canadien, les Olivier Robitaille, François Vézina et Léon Roy.

     Notes 

      

         1) Voir La Seigneurie de Lauzon, nos 64, 67, 68, 69, 79, 89 et Revue du Notariat, février 1997. (Note de la SHRL : Les articles publiés dans La Seigneurie de Lauzon par M. Roy seront reproduits dans le site Web de la SHRL.)

       2) Dont Jean Chabot, F.-X. Méthot, P. Dorion, François Vézina, A.-B. Sirois, F. Bois, D. Dussault et A. Amyot.

       3)  En 1840, Vézina gradua avec Joseph Painchaud au Petit Séminaire de Québec. Painchaud alla étudier la médecine à Paris. Au retour, il contribua à fonder neuf conférences de la Société-Saint-Vincent-de-Paul, un organisme caritatif d'origine parisienne fondée quelques années auparavant et dont les buts étaient de soulager la misère des pauvres et des déshérités.

       4)François Vézina, Caissier de la Banque Nationale, par J.-C. Langelier, C. Darveau, Québec, 1876, p.7

       5) Le premier comptoir de la Banque Nationale(BN) était logé dans l’édifice de la Caisse d’Économie, 1, rue Saint-Jean.

        6) Le tandem dirigea la BN pendant 20 ans. En 2004, la BN avait un actif de 89$ milliards.

        7) Les premières sociétés de prêt hypothécaire de la ville de Québec (1849-1873), Serge Goudreau, Groupe de recherches sur l’histoire des institutions financières, http://www.callisto.si.usherb.

        8) Dans une note manuscrite dont nous avons pris connaissance, l’historien Joseph-Edmond Roy (1858-1913) affirme qu’il s’agit de Léon Roy (1824-1886), son père.

        9) Transcription manuscrite par Joseph-Edmond Roy, non publiée.

      10) Dans le calendrier liturgique romain, le 1er mai est la fête dédiée à Saint-Joseph, ouvrier.

      11) Dates Lévisiennes, P.-G. Roy, Lévis, 1932, Vol. 1, p. 186

      12) François Vézina, Caissier de la Banque Nationale, par J.-C. Langelier, C. Darveau, Québec, 1876, p.15

      13) Quatre femmes et six enfants mineurs faisaient également partie du nombre.

      14) Soit 7 425 000 $ en dollars courants.

       15) En 1847, le notaire Joseph Laurin avait initié la première loi sur le notariat canadien. 

       16) Le 27 mars 1850, Roy avait fait un premier dépôt de 1 shilling pour l’acquisition de la 364e action de la Société de construction de Québec. Carnet de dépôt en notre possession où figurent les inscriptions portant les initiales WK (William Kimlin) et FV (François Vézina) 

      17) Carrier demeura à cette fonction jusqu’à la liquidation de la société en 1910.

      18) Procès-verbaux, assemblées générales, Société de construction permanente de Lévis, 28 mai 1894, 25 mai 1896.


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